Psychédélisme en bd

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Psychédélisme en bd

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Bonjour,

En 1957, le psychiatre britannique Humphry Osmond invente le terme "psychédéliques" - "révélateurs de l'esprit", du grec dêloun "montrer" - pour désigner une classe de molécules hallucinogènes.
Parmi celles-ci figurent en premier lieu le célèbre LSD25, Lyserg-Säure-Diäthylamid, ou diéthylamide de l'acide lysergique, vingt-cinquième composé synthétisé en 1938 par le chimiste suisse Albert Hofmann à partir d'un champignon parasite du seigle, le claviceps purpurea, responsable au moyen âge de terribles épidémies d'empoisonnements, le Mal des Ardents ou Feu Saint-Antoine ;
ensuite, la mescaline, extraite dès 1896 d'un cactus mexicain, le peyotl ;
et encore la psilocybine, également synthétisée par Albert Hofmann en 1958, à partir cette fois d'un champignon mexicain, le teonanacatl, la "chair des dieux" des anciens Maya.

L'usage de ces substances se mêle principalement avec la révolte "contre-culturelle" des années 1960 aux USA et en Europe.
Le terme "psychédélique" est dès lors employé pour qualifier une expérience hallucinogène, mais aussi une création artistique soit réalisée sous l'effet de ces substances, soit tentant de rendre compte de ces mêmes effets, soit destinée à accompagner et agrémenter l'absorption des dites molécules, souvent le tout à la fois.
La musique psychédélique envahit donc le champ sonore de la seconde moitié des sixties, en Angleterre avec notamment des formations comme Pretty Things, Pink Floyd, Deviants, Wimple Winch, les chansons célèbres "Tomorrow never knows", "Within you without you" et "Lucy in the Sky with Diamonds" des Beatles, ou le controversé album des Rolling Stones Their satanic majesties request et en particulier son étonnant voyage sidéral "2000 light years from home".
Le classique trio guitare-basse-batterie se complète de mellotron, de theremine, de sitar, d'instruments à vent, de cymbales rejouées à l'envers, de réverbération et de phasing, de bruits électroniques divers.
Aux USA, règne d'une part un nombre indéfini de groupes avec guitare énervée (fuzz) et orgue Farfisa ou Vox tels 13th Floor Elevators, Seeds, Electric Prunes, Music Machine, Chocolate Watchband, Golden Dawn, C. A. Quintet, Terry Brooks and Strange, Question Mark and the Mysterians, Iron Butterfly, Music Emporium, etc.;
et d'autre part le courant "West Coast", mieux connu, avec West Coast Pop Art Experimental Band, Byrds, Jefferson Airplane, Grateful Dead... La liste serait longue.
Sans oublier l'inclassable formation australo-franco-britannique Gong, ni le chanteur français Jacques-Alain Léger œuvrant sous les pseudonymes de Melmoth puis Dashiell Hedayat.

Les arts graphiques connaissent aussi leurs courants "psychédéliques", ainsi avec les affiches de concerts souvent influencées par "l'art nouveau" du début de siècle. Michael English, Nigel Waymouth et Martin Sharp en Angleterre, Wes Wilson, Stanley Miller dit "Mouse" et Alton Kelley, Rick Griffin, Victor Moscoso aux USA sont les noms qui émergent parmi d'autres.

Voir ici : http://www.olsenart.com/fillava.html
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Quelques autres...
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Sans oublier certaines pochettes de disques de ces groupes.
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Et la bande dessinée ?
Aux USA, Robert Crumb a créé les personnages de Mr Natural et Fritz the cat, révélés en France dans Actuel 2e série, Dave Sheridan celui de Dealer McDope, Gilbert Shelton ses Freak Brothers, mais ces bandes reflètent un état d'esprit du moment et un mode de vie davantage qu'elles ne cherchent, comme la musique et l'iconographie psychédéliques, à traduire les effets des substances en vogue.
Richard Corben et Jeff Jones dessinaient dans des comics underground, mais se préoccupaient surtout de fantastique et de science-fiction.

C'est principalement Victor Moscoso, dans Zap Comix à partir de 1968, qui s'est attaché à rendre compte des perceptions du sujet "sous influence".
Dans ses bandes, les décors ne cessent de se métamorphoser, les paysages s'emplissent de pyramides et de sphères flottantes ("Pig" et "Luna Toon" dans Zap Comix n° 2), les astres deviennent pupilles d'œil ("Loop de loop" dans le n° 6), les visages se décomposent en leurs éléments constitutifs ("Pig" dans le n° 2), les personnages se confondent avec les nuages (sans titre dans le n° 2), se démultiplient (autre sans titre dans le n° 2) ou se muent en silhouettes aux contours imprécis ("Dialogue of things" dans le n° 13) ; le haut et le bas adoptent des rôles parfaitement symétriques et réversibles ("Hocus" dans le n° 4), les creux deviennent pleins et vice versa ("Luna Toon" dans le n° 2), intérieurs et extérieurs permutent ("Camel" dans le n° 3), les perspectives sont truquées comme chez Maurits Cornelis Escher ; l'abolition des repères, propre à l'expérience psychédélique, est clairement discernable.
Une compilation de 1989, Moscoso comix n° 1, rassemble l'essentiel des bandes de cet auteur sans équivalent.
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En France, une revue d'abord nommée V-Magazine est apparue en septembre 1944.
Hebdomadaire de grand format, dirigée par Georges H. Gallet par ailleurs responsable du Rayon Fantastique aux éditions Hachette, elle s'adressait à un large public en proposant des reportages (starlettes, festival de Cannes...), des pin-up inspirées des magazines américains de l'époque, de l'humour. Les dessins humoristiques étaient signés Jean Eiffel, Kiraz, Gus, Jean David, Jean-Claude Forest, les pin-up Georges Pichard et cette fois également Jean David et Jean-Claude Forest.
Vers 1948-49, un supplément trimestriel de format moyen et d'une centaine de pages, V-Sélection, a commencé parallèlement sa publication. Il contenait des nouvelles policières et égrillardes, illustrées par Brénot, Robert Gigi et, de nouveau, Jean-Claude Forest.
Dans la première moitié des années 1950, l'hebdomadaire V-Magazine a changé de nom, devenant Voir puis Voilà et, au milieu de la décennie, a finalement cessé sa parution. Le trimestriel, poursuivant seul sa publication, a alors adopté le nom V-Magazine désormais disponible.

C'est dans cette nouvelle formule que sont apparues plusieurs bandes dessinées au début des années 1960 : Zodiaque de Jean-Claude Forest et Gaston Martin, Scarlett Dream de Robert Gigi et Claude Moliterni, Blanche Épiphanie de Georges Pichard et Jacques Lob. Au printemps 1962 a débuté la parution de Barbarella.
En 1964, Barbarella paraît en album aux éditions Éric Losfeld.

Psychédélique, la bande dessinée Barbarella l'est fugitivement. La scène brève où Barbarella et la Reine Noire sont enfermées dans la "chambre des rêves" est vraisemblablement une allusion aux voyages chimiques. Jean-Claude Forest emprunte à l'esthétique psychédélique dans cette même courte séquence pour laquelle il mêle pointillisme, efflorescences et enroulements des chevelures, des drapés et des effluves indéfinies qui traversent le lieu.
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La parution de l'album Barbarella aux éditions Eric Losfeld a été le coup d'envoi de la publication d'un courant de bandes dessinées, le plus souvent consacrées à une héroïne, et à une recherche graphique, successivement :

En 1966, Les aventures de Jodelle dessiné par Guy Peellaert sur un texte de Pierre Bartier, qui relève plutôt du mouvement pop art et revendique une esthétique d'enseignes lumineuses, d'affiches, de flipper et de juke box, de fête foraine et de voitures customisées, dans un étalage de formes luxuriantes et de teintes intenses.

En 1968, un nouveau livre de Guy Peellaert, cette fois avec la complicité du futur cinéaste Pascal Thomas pour le texte, Pravda la survireuse, à la frontière entre le pop art et le psychédélisme.
Le dessin de Pravda la survireuse est celui d'un onirisme fou et flou où, tout comme dans Little Nemo de Winsor McCay, mais en plus bariolé, tout se transforme perpétuellement. L'intérieur se change régulièrement en extérieur et vice versa en créant un décor topologiquement indécidable ; un cimetière de voitures est aussi un drive-in qui se mue soudain en terrain de football américain ; un marteau piqueur rencontre du pétrole et métamorphose une plaine en océan d'huile ; la même plaine devient ensuite un flipper géant ; un avion se réduit soudain à la taille d'un moucheron dont on se débarrasse d'un simple coup de ceinturon.
Ce qui est vrai pour l'espace l'est aussi pour le temps, et les personnages changent d'époque pour passer de l'ère moderne à celle de la Guerre de Sécession. Pravda la survireuse joue avec des effets psychédéliques proches de ceux des bandes dessinées de Victor Moscoso. Quand Pravda fume un joint et pénètre dans un monde de volutes, de floraisons et de visions géométriques, le pop art fusionne définitivement avec le psychédélisme, tout comme dans le film d'animation Yellow submarine de George Dunning et Heinz Edelmann de la même année.
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La même année que Les aventures de Jodelle, 1966, Éric Losfeld a publié le premier album de Philippe Druillet, Lone Sloane - Le mystère des abîmes au graphisme maladroit placé sous le double signe de l’insecte et de la chauve-souris.

Tout y est hérissé de pointes, de formes dentelées, les édifices sont longilignes, étirés vers le haut et s'achevant en clochers et en flèches, les personnages non-humains sont pourvus de cornes, de dards, de crêtes, les objets couverts d'aspérités et de crochets, les guerriers armés de glaives, de lances et de hallebardes, les pistolets lancent des pieux.
Si l'on ajoute à ce grouillement d'excroissances l'aspect brillant des surfaces des statues et des masques, semblables à des carapaces chitineuses, c'est à l'entrée dans un monde d'insectes et de crustacés qu'est convié le lecteur. Les extra-terrestres ont des visages lisses comme des élytres et dénués d'expression comme ceux des arthropodes, et les attitudes et les mouvements de leurs longs membres grêles leur donnent l'aspect de mantes religieuses. Vus de loin, les personnages ont l'apparence frêle et filiforme de moustiques ou de phasmes. Les plans généraux de villes et de rues évoquent des représentations de fourmilières. En fin d'album, Lone Sloane s'envole à bord d'un véhicule en forme de gros scarabée.

L’autre référence animale est celle de l'aile de chauve-souris, véritablement obsessionnelle. Les femmes sont ainsi ailées, ou arborent des oreilles, des tatouages, des pendentifs et des diadèmes, des cols de robes et des capes adoptant cette forme. Il en va de même pour les éléments du décor pourvus de ce même motif de manière permanente, les idoles, statues et gargouilles omniprésentes ornant chaque édifice, les galères volantes, les sculptures et bibelots de toute nature, lampadaires, hampes, totems, les décorations de casques, les emblèmes sur la poitrine des gardes.

Psychédélique, cette bande, comme Barbarella, l'est furtivement vers sa fin, à travers les effets de chevelure d’une improbable princesse, "la mer rouge de ses cheveux ondoyant autour de son corps nu".
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En décembre 1967, après Barbarella, Les aventures de Jodelle et Le mystère des abîmes, Éric Losfeld a publié Saga de Xam de Nicolas Devil sous une photographie de couverture solarisée.

Sur une trame du cinéaste Jean Rollin, Nicolas Devil a composé un grand voyage graphique sophistiqué en une suite de chapitres définissant chacun une époque différente, et une expérimentation esthétique spécifique. Le dessinateur a traité ces parties, et parfois certaines doubles pages, en unités graphiques indépendantes, au style de dessin et à la mise en couleurs singularisés.
Ainsi, dans un chapitre, le dessin de Nicolas Devil est on ne peut plus classique avec une tonalité générale rose et bleue.
Un autre est monochrome, noir, vert clair et blanc.
La partie se déroulant à l'époque pharaonique est traitée en teintes pastels où dominent l'ocre et le jaune, et le bleu. Les pages se compètent de frises hiéroglyphiques.
Pour la Chine du XIXème siècle, Nicolas Devil s'est inspiré de la peinture et des papiers découpés de la tradition chinoise,

Le livre se clôt avec un étonnant parcours graphique. Apparaissent d'abord les USA de la fin des années mil neuf cent soixante.
D'abord dans des cases très géométriques et rigoureuses, puis de façon libre, se multiplient des dessins copiés de photographies et traités dans un noir et blanc épuré, aux contours et plages d'encre précis, sans gris intermédiaires.
Images symboliques du monde contemporain, réunissant automobiles, processions, révolutions, conflits ; montages de coupures de presse ; portraits de personnalités, des écrivains Antonin Artaud et Allen Ginsberg aux comédiennes Claudia Cardinale et Barbara Steele en passant par le dramaturge Julian Beck, fondateur du Living Theatre, les chanteurs et musiciens Bob Dylan, Frank Zappa et les Rolling Stones, le top-model Verushka, le boxeur Cassius Clay ; des extraits d'une poésie de Federico Garcia Lorca, de paroles de chansons - "The times they are a-changin'" de Bob Dylan -, et d'autres textes ; pour se terminer enfin de façon parfaitement hallucinatoire en visions oniriques et de purs tableaux psychédéliques,
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Toujours Saga...
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En 1970, Éric Losfeld a publié Xiris de Serge San Juan, l'une des dernières publications d'albums grand format de cette nature, nouvelle rencontre entre pop art et psychédélisme.

Dans Xiris, Serge San Juan a expérimenté indifféremment plume, gouache, fusain, aquarelle, crayons de couleur, hachures, frottis et même pointillisme, entremêlant ces diverses techniques non seulement dans une même page, mais bien souvent dans un même dessin.
Les fonds, en perpétuel changement, sans constante de teinte, visent davantage l'effet esthétique qu'un quelconque réalisme.
Des arbres verts deviennent bleus, puis rouges ; le ciel vire du vert au brun et au rouge, puis de nouveau au brun ou au blanc d'une case à l'autre, il peut se panacher d'orange et de vert clair.
La tenue du personnage, usuellement violette, peut devenir blanche et orange, ou blanche et bleue, ou encore verte et brune, ou entièrement kaki.
Les corps nus ne sont jamais d'une teinte de peau, nuance que Serge San Juan ignore délibérément à la différence de Guy Peellaert. Ils sont le plus souvent bleutés, mauves, oranges ou striés de lignes vertes.
D'une page à la suivante, on passe d'une mise en couleur discrète, à la palette réduite, aux teintes pastels, à une autre faisant à l'opposé appel à des teintes franches très contrastées, par exemple à dominantes rouge et verte. Certaines pages sont en noir et blanc, d'autres monochromes ou bichromes. Les formes géométriques rigoureuses alternent avec les arabesques et volutes arborescentes "art nouveau".
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La même année, Kris Kool de Philippe Caza.
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D’autres "psychédélismes" de Caza.
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Après Barbarella, après la bande dessinée pop art avec Les aventures de Jodelle et les exubérances chitino-arachnoïdes de Philippe Druillet, et avant la bande dessinée psychédélique avec Saga de Xam, Pravda la survireuse, Kris Kool et Xiris, Éric Losfeld, au milieu de 1967, a inauguré la bande dessinée design avec Scarlett Dream de Robert Gigi et Claude Moliterni, d'abord publiée à partir de 1965 dans V-Magazine.

1968 a été l'année de publication du premier péplum érotique, Epoxy de Paul Cuvelier et Jean Van Hamme.

En 1969, Éric Losfeld a encore eu l'idée brillante de publier Valentina, première traduction française d'un ouvrage de Guido Crepax. Là, nulle allusion au pop art, au psychédélisme ou au design, mais à l'op art, jouant sur des assemblages géométriques de lignes aux contrastes noirs et blancs très marqués.

Ajoutons encore Phoebe Zeit-Geist.
Dessinée par Frank Springer sur un texte de Michael O'Donoghue, Phoebe Zeit-Geist est un longue suite de scènes absurdes placées bout à bout, parodiant les récits d'aventures aux coups de théâtre exagérés et rebondissements intempestifs.


Les divers ouvrages publiés par Éric Losfeld étaient à l'époque relativement coûteux. Barbarella, Le mystère des abîmes, Epoxy et Scarlett Dream étaient vendus 46,30 francs, Les aventures de Jodelle et Saga de Xam 77,00 francs (tarifs présentés dans les catalogues Arcanes n° 4 et 5 de 1969).
La même année, un disque 33 tours valait 24,25 ou 28,40 francs (codes T et U, tarifs présentés dans le catalogue CBS Pop Music Revolution de juillet 1969) et le n° 1 de Eerie 3,50 francs.
Saga de Xam coûtait ainsi 3 fois le prix d'un 33 tours et 22 fois le prix d’un magazine de BD comme Eerie !
Pour obtenir l'équivalence en monnaie actuelle, il me semble qu’il conviendrait de multiplier ces chiffres au moins par 5, ce qui donnerait des prix compris entre plus de 30 euros pour Barbarella et près de 60 euros pour Saga de Xam !

Proche de l'esprit des publications Losfeld, une héroïne de même ordre, Aphrodisy princesse de sang, est apparue dans le n° 20 (mai 1970) de Miroir du fantastique et a duré jusqu'au n° 24 (mai-juin 1971), dessinée par Jacques Hirou sur un scénario de François Solo.
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Re: Psychédélisme en bd

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Créée en mars 1968, la revue Miroir du fantastique a compté vingt-quatre numéros publiés jusqu'à mai-juin 1971 sous trois formes différentes, d'abord magazine agrafé, puis journal (à partir du n° 12), enfin à dos collé en format à l'italienne (à partir du n° 22).

Du n° 1 (mars 1968) au n° 8 et du n° 10 au n° 16 (janvier 1970), Claude Barrué a dessiné Les Siamoises sur un argument de François Désormonts.

Dans un futur incertain, deux sœurs siamoises mutantes pouvant se dissocier et se réunir à volonté jouent le rôle d'agents secrets.
Les deux personnages évoluent dans une longue fresque graphique où les références sont celles des lignes elles-mêmes et non la représentation d'une réalité. Dans des pages dépourvues de cases et où la ligne droite est abolie, les dessins se juxtaposent délimités dans leur propre contour ou, le plus souvent, s'entremêlent avec élégance dans des compositions complexes aux formes et linéaments courbes.
Architectures, décorations, chevelures, corps et textes calligraphiés fusionnent de manière fluide en une même nature d'ondulations et de sinuosités ornées de parties traitées en pointillisme et de hachures discrètes. Des recours à la figure du damier, déformée, étirée, incurvée, ont permis au dessinateur d'ajouter des effets op art à son psychédélisme spectaculaire.
Le lettrage s'inscrit dans la pure mouvance des affiches californiennes des mêmes années.
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Nutello
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Re: Psychédélisme en bd

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Le mois même de la fin des Siamoises dans Miroir du fantastique n° 16 (janvier 1970), a commencé dans Plexus n° 31, grande revue phare de l'époque, une autre bande dessinée tout aussi psychédélique et tout aussi spectaculaire du même Claude Barrué, cette fois sur un texte signé Philippe, Histoire d'or.

Claude Barrué use ici une nouvelle fois de déploiements de lignes courbes et de brumes pointillistes sur la surface entière de la feuille en tant qu'espace indifférencié perçu en plan large, avec des perspectives d'édifices et de couloirs et des effets de montée d'escaliers qu'il semble affectionner ici particulièrement.
Il pratique des changements brusques d'angles de point de vue et de grosseurs de plans, enchaîne les plongées et les contre-plongées, les effets de grand-angle, allant parfois à des constructions aux perspectives multiples et truquées dignes de gravures et de lithographies comme Un autre monde, En haut et en bas, Cage d'escalier, La relativité ou Exposition d'estampes, de M. C. Escher.
Barrué tord l'espace en une forme quasi circulaire peuplée de personnages vus d'au-dessus autour d'autres scènes au centre figurées à hauteur normale (n° 34), utilise quelques parcimonieuses lignes blanches sur fond noir pour détourer ses personnages et donner un sentiment de lieu obscur (n° 36), joue avec des alignements de cubes pour définir des décors sans orientation privilégiée (n° 37), emplit de statues féminines un labyrinthe de glaces au sol et aux parois op art (n° 37), parachevant l'une des plus curieuses réalisations de l'esthétique graphique de l'époque.

La revue Plexus ajoute encore à cette bande l'élégance du format carré de ses pages.

http://ubupopland.com/ubu_papers/plexus/p/plexus_32.htm
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Edison Tomate
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Re: Psychédélisme en bd

Message par Edison Tomate »

Nutello a écrit :En 1970, Éric Losfeld a publié Xiris de Serge San Juan, l'une des dernières publications d'albums grand format de cette nature, nouvelle rencontre entre pop art et psychédélisme.

Dans Xiris, Serge San Juan a expérimenté indifféremment plume, gouache, fusain, aquarelle, crayons de couleur, hachures, frottis et même pointillisme, entremêlant ces diverses techniques non seulement dans une même page, mais bien souvent dans un même dessin.
Les fonds, en perpétuel changement, sans constante de teinte, visent davantage l'effet esthétique qu'un quelconque réalisme.
Des arbres verts deviennent bleus, puis rouges ; le ciel vire du vert au brun et au rouge, puis de nouveau au brun ou au blanc d'une case à l'autre, il peut se panacher d'orange et de vert clair.
La tenue du personnage, usuellement violette, peut devenir blanche et orange, ou blanche et bleue, ou encore verte et brune, ou entièrement kaki.
Les corps nus ne sont jamais d'une teinte de peau, nuance que Serge San Juan ignore délibérément à la différence de Guy Peellaert. Ils sont le plus souvent bleutés, mauves, oranges ou striés de lignes vertes.
D'une page à la suivante, on passe d'une mise en couleur discrète, à la palette réduite, aux teintes pastels, à une autre faisant à l'opposé appel à des teintes franches très contrastées, par exemple à dominantes rouge et verte. Certaines pages sont en noir et blanc, d'autres monochromes ou bichromes. Les formes géométriques rigoureuses alternent avec les arabesques et volutes arborescentes "art nouveau".
Un très bon album que l'on trouve assez facilement pour pas cher.
Porno kino
Maître 2e Dan
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Re: Psychédélisme en bd

Message par Porno kino »

Très intéressant ! Merci, Nutello :pouce:
Patrice Lesparre.
Nutello
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Re: Psychédélisme en bd

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5 x Infini, bande principalement dessinée par Esteban Maroto, sur le thème traditionnel de l'exploration des autres mondes.

L'ambiance est souvent onirique, délibérément entretenue par l'auteur qui s'est régulièrement ingénié à faire glisser la narration du monde "réel" à un monde fantasmagorique grâce à une transition.
Les trois épisodes publiés par la revue Comics 130 sont en cela exemplaires.

Dans "Le tabou des souvenirs" (n° 4, mai 1971), l'héroïne passe brusquement de ce qu'elle vit véritablement à ce qu'elle croit vivre sous l'effet d'une composante hallucinogène de l'atmosphère du monde sur lequel elle a pris pied. Il lui est ensuite difficile de faire la part.
"Quel est l'effet des drogues sur le cerveau humain ?" s'interroge une didascalie finale.

Dans "Défi à la mort" (n° 5, octobre 1971), le personnage est arraché de son vaisseau spatial par une magicienne dont les pouvoirs violent les lois connues de la physique.

Dans "Les limites de l'univers" (n° 6, mai 1972), les personnages franchissent les limites de l'univers pour entrer dans un lieu indéfinissable.

Ces passages d'un niveau de réalité à un autre se font d'une manière graphiquement très stylisée, les rendant délibérément difficiles à identifier.
La jeune femme subissant l'influence de la substance hallucinogène quitte son vaisseau dans une page où, comme en état d'apesanteur, elle se défait - hommage à la séquence de générique du film Barbarella ? - de sa combinaison spatiale et se voit revêtue d'une nouvelle tenue, à l'antique, et d'un maquillage très marqué ("Le tabou des souvenirs").
L'astronaute est aspiré hors de son vaisseau en vol pour entrer dans le royaume de Circé dans deux pages où il se décompose et se démultiplie, entraîné par une succession de silhouettes féminines jaillissant dans les airs et le conduisant à travers des paysages irréels, puis des ténèbres ("Défi à la mort").
L'équipe de personnages "sort" de l'univers pour entrer dans ce qu'il y a au-delà, dans trois pages emplies de formes fantomatiques et éthérées ("Les limites de l'univers").

Les commentaires accompagnant ces images énigmatiques sont rares, et guère plus explicites :
"Je ferme les yeux. Un arôme très dense m'enveloppe. C'est agréable. Ne pensons à rien. Seulement sentir ce parfum. Et ce silence avec ses angoisses de cris, de terre, de liberté. (...) Nous allons à la recherche des vagues, pour qu'elles ornent mes cheveux d'écume" dans le premier exemple ;
"En un instant, les lois de la physique se transforment. Une magie plus forte que la science d'Infini arrache l'homme à son vaisseau. Vous avez ensuite l'impression, le sentiment, la conscience, de pénétrer dans un univers différent, de vous déplacer dans une ombre étouffante, triste et mélancolique comme la tombe d'une amante. Votre voyage dure cinq siècles ou cinq jours ou cinq secondes" dans le deuxième ;
"Les appareils de bord se détraquent, une lumière clignotante apparaît pour avertir les voyageurs du danger. Mais seul le silence répond... le silence du néant, cimetière des dieux. (...) Les différentes vies se succédèrent laissant les appareils ivres de solitude" dans le troisième.

Les didascalies cessent d'être descriptives pour devenir lyriques.
Surgissent des accents nostalgiques, des phrases en apparence sans relation avec la narration :
"angoisses de cris, de terre, de liberté... recherche des vagues... ornent mes cheveux d'écume... la tombe d'une amante... différentes vies se succédèrent..."
On passe de la troisième personne descriptive à la subjectivité de la première : "Je ferme les yeux. Un arôme m'enveloppe",
ou de la deuxième : "Vous avez l'impression, le sentiment, la conscience, de pénétrer dans un univers différent, de vous déplacer dans une ombre étouffante..."

La page de "transition" de la réalité aux perceptions hallucinatoires dans "Le tabou des souvenirs" (Comics 130 n° 4) est particulièrement représentative : volutes d'une fumée figurant "l'arôme très dense", la composante hallucinogène de l'atmosphère de ce monde, dans la première case ; cheveux épandus de l'héroïne en état de "flottement", dans la deuxième ; courbes "textiles" du nouveau vêtement venant, de nulle part, remplacer la combinaison spatiale, dans la troisième ; cheveux et pans de vêtements, de nouveau, virevoltant durant "l'envol" de l'héroïne dans la quatrième case.

De même, dans les pages de "transition" de "Défi à la mort" (Comics 130 n° 5), Esteban Maroto a joué sur les formes d'un corps féminin se dédoublant et s'entremêlant dans des poses extatiques, les cheveux épandus fusionnant en une sorte de nuée soulignée par une trame. Plus loin, un coup de poignard devient prétexte à des variations curvilignes, et a fortiori la longue séquence finale mettant en scène un être tentaculaire.

Voir ici : http://www.forumpimpf.net/viewtopic.php ... it=esteban
maroto1.jpg
Maroto2.jpg
Fichiers joints
esteban26.png
esteban25.jpg
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Nutello
Maître 1er Dan
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Re: Psychédélisme en bd

Message par Nutello »

Également dans Plexus, dans le n° 9 d'août-septembre 1967, sur vingt et une pages, un "roman-film" de Jean-Claude Forest, Les magiciennes.

Jean-Claude Forest a construit un fantasme de bonne qualité photographique, aidé par J. Prayer et J. Pamart à la prise de vues.

Le photo-roman ne se situe dans une veine plus ou moins psychédélique que par des voies détournées, par association d'idées progressive. Son image s'appuie presque exclusivement sur la mise en représentation très sophistiquée des deux personnages féminins.
Magi1-a.jpg
Magi2-a.jpg
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