Train d'enfer pour Ange rouge de Franck Thilliez

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Fredo
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Train d'enfer pour Ange rouge de Franck Thilliez

Message par Fredo »

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Depuis six mois que Suzanne a disparu, le commissaire Franck Sharko erre dans un monde peuplé de ténèbres. La découverte d'un cadavre cruellement mutilé, en une mise en scène défiant l'imagination, va le propulser au cœur d'une implacable machinerie meurtrière. Un voyage hallucinant et halluciné, des carrières granitiques bretonnes aux sordides backrooms sadomasos de Paris... Tapie dans l'ombre de la Toile, serait-ce la résurrection de l'Ange rouge, cet esprit machiavélique qui mène la danse à train d'enfer ? Et ce n'est pas Poupette, sa loco modèle réduit, seule encore à apaiser ses tourments, qui pourra lui indiquer la voie..

Bon je me lance dans ma petite analyse, merci de votre indulgence !

Cela faisait un bail que je ne m'étais pas laissé embarquer dans une telle histoire.
Depuis l'Ombre de Janus de Laurent Scalese, par exemple, ou le Vol des Cigognes de Grangé.
D’ailleurs je pense que JJC a trouvé un sérieux concurrent en la personne de Franck Thilliez.
C'est nerveux, c'est viscéral, c'est un mélange de frustration, de colère et de rage. C'est Sharko, mais au service d’une histoire écrite comme du papier à musique.
Ce qui caractérise ce roman, c’est sa propension à trouver, dès les premières pages de son histoire, un rythme, un tempo qui ne baissera pas de cadence avec la fin.
Une fois que le processus est en marche, rien ne peut l’arrêter.
C’est une fuite inexorable vers la résolution de l’histoire mais contrairement à un roman classique où l’on a l’habitude d’obtenir de la fin d’un roman, une fin heureuse ou du moins, une fin qui va rétablir le statut quo, on sait d’entrée que le roman de FT ne va rien arranger, on sait très bien que cette enquête de Sharko ne va pas se conclure sans laisser de traces. On le sait. On sait que cette enquête n’est pas comme les autres. On sait que ces épreuves consument Sharko. La question, c’est de savoir comment il va encaisser ça, comment il va arriver à assimiler cela pour la bonne tenue de l’enquête.
Franck Thilliez nous présente un personnage dont les actions et les choix ne vont pas avoir que des bonnes conséquences. L’histoire gagne en crédibilité puisque son héro n’est pas parfait, et qu’il n’est pas la force en présence qui va rétablir l’équilibre entre le bien et le mal, puisque l’on sait que quoique l’on fasse, le mal aura de terribles répercussions et que quoique l’on fasse de bien, ça n’éviteras pas le carnage.
Le processus est en marche et rien ne va pouvoir l’arrêter, avant qu’une occasion se présente. Une occasion, une seule et ce n’est pas forcément le héro qui va pouvoir la saisir. C’est logique mais on n’est tellement habitué au schéma classique, meurtre-enquête-résolution-la vie est belle, que l’on oubli quand même l’investissement psychologique et personnel du héro dans cette enquête et que quoi qu’il arrive, ce qu’il va voir va le changer à jamais.

C’est que je trouve assez époustouflant dans son roman, c’est que les personnages sont au service de l’histoire et pas l’inverse. C’est l’humain qui dirige, qui prend possession de cette histoire. C’est une logique assez simple qui fait avancer l’histoire, des raisonnements évidents et pas tirés par les cheveux, qui font que le récit s’articule d’une manière naturelle.

Pourquoi Sharko est aussi sympathique aux yeux du lecteur ? Parce que le lecteur a conscience que Sharko se consume, on se rend compte en même temps que lui qu’il sacrifie à chaque moment important de l’histoire, une partie de lui-même. On sait que ce qui fait sa force, c’est cette capacité à consumer un peu plus chaque jours, ce qui lui reste d’humanité.
C'est pour cela que je vais faire le parallèle avec le dernier livre de Thomas Harris, qui nous conte les origines du mal de Lecter. Parce que pour moi, TEAR nous conte lui les origines du mal qui va consumer Sharko. Le mal qui en fait sa force puisqu’il a décidé d’embrasser cette cause en s’imprégnant corps et âmes de son énergie néfaste. Je ne dis pas que Sharko est voué à devenir un monstre lui aussi. Non. Je prétends juste que Franck Thilliez « déshabille » son personnage de toute ce qui pourrait en faire un homme sain et heureux. Il le dépouille de tout, jusqu’à nuire sérieusement à son équilibre psychologique, pour nous montrer ce qui fait l’essence de son personnage et nous transmettre ces sentiments qui vont le garder vivant : les tripes, la rage, la colère, la frustration, la vengeance, plein de choses à la base négative qui vont agir comme l’adrénaline agit pour faire repartir un cœur à l’arrêt. Car je pense que c’est cela qui caractérise Sharko : c’est une sorte de mort-vivant, un gars qui a toute les raisons d’être mort en dedans mais qui poursuit sa route. Un gars qui n’en reste pas moins des plus attachant et sympathique. Un combattant. Un survivant.
Et c’est exactement à ça que j’ai à faire quand je commence à lire la suite, Deuils de Miel.

Pour revenir à l’histoire elle même, c’est vrai qu’il y a des choses qui m’ont étonnées au début.
J'aime bien ce que Franck fait vivre à Sharko, puisque l'on partage son impuissance, on se retrouve sous pression comme lui, on se bouffe les ongles comme lui. On est tour à tour égouté, surpris, enragé, révolté, frustré, etc.
Après, je sais que le but de l’auteur, c'est d'amener son personnage là où il veut qu'il arrive, mais c'est assez frustrant de le voir arriver seul à l'abattoir par exemple ...
Et la suite confirme cette frustration puisque l’on se dit « mais merde, il est con ou quoi, fallait s’y attendre… » Mais justement, c’est ce qui devient la part de fatalité. Quoiquil arrive, Sharko ne peut pas être tenu responsable des agissements d’un fou, puisque quoi qu’il y fasse, son adversaire aura un coup d’avance sur lui et pourra se jouer de lui. L’adversaire peut prévoir et c’est ce qu’il fait très bien… Trop bien même.

Ah une petite erreur il me semble dans le livre, je suppose que depuis le temps on a déjà dû le dire à Franck :

P266 :
Elisabeth me fit penser à la double face du Joker dans Batman, une moitié du visage rouge, l'autre blanche, les marques de doigts encore imprimés sur la peau.

Double Face, c'est un personnage de la galerie des vilains de Batman, comme le Joker. C’est Double Face qui a une moitié du visage humaine, et l'autre violacée, détruite par un puissant produit corrosif.
yan59
Maître 3e Dan
Maître 3e Dan
Enregistré le : dim. 03 avr. 2011, 21:48

Re: Train d'enfer pour Ange rouge de Franck Thilliez

Message par yan59 »

6 ans plus tard ...
Dommage que Fredo ne vienne plus sur Pimpf, mais je le remercie pour cette très belle analyse de ce titre de Franck Thilliez, très noir, très glauque, dérangeant, morbide, extrêmement dur, mais justement, et du fait de tous ces aspects, particulièrement prenant, haletant, immersif, et duquel on ne ressort pas non plus indemne, à l'instar du "héros".
Du fait de la noirceur extrême de ce titre, j'ai un moment dû décrocher de sa lecture, pour reprendre mon souffle, laisser certaines images s'estomper dans mon esprit. Mais après plusieurs mois, le besoin de savoir, de connaître la suite, la fin, a été le plus fort et je l'ai alors terminé d'un trait.

Marrant que Fredo évoque Laurent Scalese, hier justement est paru chez Fleuve Noir un roman que Thilliez et lui ont écrit à 4 mains:
L'encre et le sang

Au fond d'un vieux garage hongkongais, elle est là. Elle l'attend. La machine. Il suffit de taper. Et tout s'écrira, dans la réalité. Très vite, l'écrivain William Sagnier comprend qu'il tient là l'instrument de sa vengeance. La femme qui l'a trompé. L'homme qui lui a volé son livre. Tous ceux qui l'ont humilié, utilisé, détruit, le seront à leur tour. La vie, la mort, la toute-puissance au bout des doigts, là où se mélangent l'encre et le sang...
2,90€, 128 pages
Depuis hier, et jusqu'au 19 juin seulement, Le Monde édite aussi une nouvelle écrite par Franck Thilliez, Hostiles. 2€
Le premier est disponible en librairie, le second dans les points presse. :wink:
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