jmf² a écrit :
L'humanité n'a pas attendu les dessinateurs pour raconter des histoires.
Historiquement, le pictural et le dessin précèdent de loin l'invention de l'écriture. Cela ne change évidemment pas la légitimité de tout amour de la littérature. Il est vrai, à ton honneur, que la parole précède le pictural dans l'histoire de l'humanité. Vaste question existentielle que celle de savoir si c'est l'oeuf qui a fait la poule ou si c'est la poule qui a fait l'oeuf!
jmf² a écrit :
Personnellement, mon livre préféré est Le comte de Monte Cristo d'Alexandre Dumas.
Je l'ai vu adapté en BD et au ciné et l'émotion n'est en rien comparable à ce que j'ai pu ressentir en lisant le livre.
Pour moi également, les adaptations d'oeuvres littéraires en BD ne sont pas ma tasse de thé. Elles sont généralement imposées aux dessinateurs par de faux scénaristes en mal d'imagination qui s'improvisent adaptateurs.
jmf² a écrit :
Alors après, dans une oeuvre initialement créé pour le medium de la BD il est évident que l'apport du dessinateur est crucial.
Mais posons nous la question suivante.
Ai je déjà lu des BD mal dessinées et avec un bon scénario ?
Ai je déjà lu des BD bien dessinées et avec un mauvais scénario ?
Ma réponse est oui au deux.
Nous sommes parfaitement du même avis sur cette question.
jmf² a écrit : Et je suis désolé mais autant je peux avoir un bon ressenti sur la première phrase parce que le scénario est excellent autant l'inverse n'est pas vrai.
Je ne suis plus de ton avis, question de personnalité et de goût, les deux sont légitimes.
jmf² a écrit : C'est comme dans les films. Les meilleurs acteurs du monde ne sauveront pas un film au scénario inexistant.
Pas d'accord. De bons acteurs rendent bien des navets scénaristiques excellents. De mauvais acteurs savent également rendre d'excellents dialogues exécrables.
jmf² a écrit : Après se pose la question de la "paternité" des personnages. Jack Kirby était un extraordinaire dessinateur. Et même si je l'adore je dois reconnaître que lorsqu'il scénarisait seul à la fin de sa carrière ses oeuvres sont nettement moins bonnes.
Il est donc le créateur indéniable de Silver Star mais ce simple fait ne cache pas que la série n'est pas une réussite.
Il est tout à fait exact que lorsque les seuls dessinateurs aux seuls dessins s'improvisent scénaristes, il est fréquent que le résultat déçoive (Uderzo par exemple). Il est tout à fait rétorquable que les meilleures séries sont celles où le dessinateur et le scénariste sont une seule et même personne. Les exemples belges foisonnent et les tous grands classiques de la BD belge sont de ce cas.
jmf² a écrit : débat donc de savoir si le dessinateur est prépondérant ou pas. Vaste débat et certainement sans "vérité".
jmf² a écrit : regardons les choses en face. Ils avaient les deux plus puissantes forces de l'époque en face d'eux.
Le PCF (premier parti politique de France avec qui même De Gaulle le sauveur de la dite France devait lui aussi composé) et l'église catholique de France.
Tu accordes trop d'importance à mon avis au rôle des partis dans le domaine de la BD. Certes, ils ont joué leur rôle et la tristement fameuse commission de censure en est le volet noir. Tu omets à mon sens de prendre en compte le volet des contingences strictement économiques et les difficultés de cet ordre qui ont joué un rôle prépondérant, même en période de croissance.
jmf² a écrit :
Le combat était perdu d'avance et je pense que l'on ne peut pas reprocher à Navarro d'avoir composé.
Il n'y a aucun reproche à faire à Navarro de ce côté. Il y a par contre un très grand respect mérité par Chott et qui ne lui est pas assez dû aujourd'hui selon moi.
jmf² a écrit :A ma connaissance, Lug gardait les planches originales. Eric Vignolles raporte même dans un de ses ouvrages une descente dans le coeur des archives de Lug où était entreposé toutes les planches.
Ce que tu m'apprends là est très heureux bien entendu. En Belgique, la norme de jeter les originaux était très répandue. Pour en revenir à Chott et à Navarro et aux interventions sur ce sujet, si Lug conservait bien les originaux comme tu l'écris, il serait quand même malheureux de reprocher, au nom des droits du patron de Lug, le même souci dont Chott a lui aussi fait preuve!
jmf² a écrit : Même si l'intérêt patrimonial actuel est grand je pense que les motivations de Chott était beaucoup plus terre à terre.
Il n'empêche que le résultat est là et qu'il nous arrange bien. Mais il est vrai que j'ai tendance à enjoliver et à idéaliser les choses lorsque je prends parti, tu as raison de le souligner.
jmf² a écrit :
Sur les motivations des grands syndicats, je me rappel avoir lu que quand Cheret a voulu récupérer les droits de Rahan seul un avocat a bien voulu le défendre.
Les autres ont refusé de crainte de représailles du PCF et des syndicats (y compris professionnel des avocats).
Je crois sincèrement que tu surestimes le pouvoir qu'a ou qu'a eu ce parti sur le corps professionnel des avocats. Et que tu diabolises un peu trop le Parti communiste français des années '80 également. Je pense franchement que les avocats se fichent pas mal de ce que pense ou de ce que ne pense pas le PCF. Si des avocats ne voulaient pas défendre Chéret, c'est probablement par mépris plus que pour autre chose et le PCF n'a probablement aucune influence là dedans. La justice prend souvent le parti des forts. Sans doute qu'il faut faire preuve d'un certain courage pour défendre un petit contre un fort et la machine patronale des éditeurs est dure à cuire. Certes, le PCF a eu aussi sa machine patronale et ses patrons éditeurs, aussi collectivistes fussent-ils. Dans ce sens oui, il faut du courage et de la témérité pour en défendre les opprimés. Chéret a ce mérite.
Mais franchement, dire que les avocats ont eu peur du PCF et que c'est pour cela qu'ils n'ont pas voulu défendre Chéret, c'est friser à mon avis le délire du complot maçonnique et autres balivernes auxquelles ni toi ni moi n'adhérons
De plus, les corps judiciaires, avocats inclus, sont en général et à juste titre classés à droite et cela les rend d'autant plus imperméables aux positions du PCF. Il y a par contre probablement eu mépris d'un simple exécutant qui avait cette audace de poser des questions de droits face à son patron. Position de facto à gauche et méprisée sans doute par des avocats qui penchent instinctivement à droite. Mais Chéret a quand même obtenu gain de cause avec l'aide d'un excellent avocat, rendons à César ce qui est à César.
jmf² a écrit :, la lutte des auteurs est à mon sens une lutte de corporation justement en dehors de la lutte syndicale classique (via les grandes centrales).
Mais je pense que notre désaccord n'est que lexical. En France lutte syndicale ne se réfère qu'à la notion de syndicat représentatif (cette vieille hérésie de 1946) alors qu'en Belgique elle se réfère sans doute à toute lutte des "salariés" (encore une dégradation de la langue chez nous).
Il est vrai que je vise le sens étymologique et la signification concrète du terme et nom l'étiquette.
jmf² a écrit :
Non, je ne m'égare pas et plusieurs autorité en la matière sont même de mon avis. J'ai eu des conversations avec Thomassian et Lofficier qui sont parfaitement d'accord avec moi.
Après, je pense que n'importe qui regardant les images que j'ai posté et constatant la proximité temporelle ferait un rapport entre les deux personnages.
C'est du simple bon sens.
Bien. Mais j'estime pour ma part que le concept de "plagiat" est aujourd'hui galvaudé à toutes les sauces par des "spécialistes" qui ont parfois perdu tout sens de réserve. Il y a probablement influence et cela mérite certainement une analyse circonstanciée, les héritiers Chott en savent sans doute plus que nous sur la question.
Quant au terme de "plagiat", qui est un terme fort et assez humiliant pour un auteur de la qualité de Chott, permets-moi ici aussi de revenir sur la valeur réelle, voire juridique, du mot: je crois que pour qu'un travail puisse être qualifié de plagiat, il faut une demande en ce sens de la victime plagiée. Que le sens de ce terme n'est valable qu'au cas de plainte effective du plagié. Je veux dire par là que ce n'est pas à des personnes extérieures à qualifier tel ou tel travail de "plagiat", mais que le terme ne saurait être utilisé à bon escient que si le "plagié" demanderait qu'on reconnaisse effectivement le préjudice d'un plagiat d'une part, et que celui-ci soit effectivement reconnu après "enquête" d'autre part.
Est-ce le cas? La réponse est non.
Méfions-nous des termes à l'emporte pièce trop rapides et trop peu discernés. Sans nier l'influence, voire la copie éventuelle et possible qui resterait malgré tout à prouver, même si les spécialistes le disent. Les spécialistes ne sont pas au dessus des acteurs concernés, même si leurs connaissances font autorité. Je préfère qu'on utilise un terme plus neutre tel qu'"influence" ou "copie" que celui de "plagiat" qui a une consonance délictueuse imméritée me semble-t-il dans le cas de Chott.
Je termine en confirmant que mes appréciations quant au rôle respectif des dessinateurs et des scénaristes sont tout à fait subjectives et personnelles de ma part et que je ne leur accorde aucune prétention d'universalité.
J'ai cette fâcheuse tendance d'exprimer souvent de façon beaucoup trop anguleuse des vérités respectables et cela me dessert bien entendu. Je serai sans doute beaucoup plus lisible en disant ceci: que historiquement parlant, pour tous conflits apparus entre scénariste et dessinateur, c'est bien le dessinateur qui a toujours eu raison. Cela sous entend que dans les bonnes relations de tels conflits n'apparaissent pas, ce qui va à l'honneur de nombre de scénaristes.
Je suis personnellement et subjectivement convaincu que les dessinateurs ont tout intérêt à s'affranchir de la tutelle souvent étouffante des scénaristes et que le salut de la BD passe par là. Profession de foi dont je revendique la profonde subjectivité légitime. J'en vois déjà ramasser les deux premières pierres à me lancer, la première s'appelle Gosciny, la seconde Charlier, la troisiéme Marijac et ainsi de suite. Et ils auraient raison. J'assume bien entendu mes contradictions, il faut savoir vivre avec cela. Il n'empêche que les seuls bons scénaristes sont aussi des maîtres incontestés du dessin, cela est aujourd'hui admis par tout le monde.
Je te remercie en tous cas pour tous ces éléments très intéressant et très utiles que tu apportes
L'histoire des relations sociales dans le monde de la BD reste à faire et elle ne manquerait certainement pas d'intérêt.