Psychédélisme en bd

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reedff
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Re: Psychédélisme en bd

Message par reedff »

Belles recherches pour des Bd très éloignées de mes goûts personnels. J'ai appris et c'est le principal. Merci :pouce:
Nutello
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Re: Psychédélisme en bd

Message par Nutello »

En 1968, année de Pravda la survireuse et d'Epoxy, un an après Saga de Xam, un an avant Phoebe Zeit-Geist et Valentina, Eric Losfeld a fait paraître un photo-roman, Le voyage de Beryl Marquees, de Claude Palmer sur un texte de Jean Louis Brau avec une mise en page de Maurice Mathonnière.

L'esthétique des photographies renvoie au cinéma "nouvelle vague", celui de Vivre sa vie, Une femme mariée et de Masculin féminin de Jean-Luc Godard (1962, 1964 et 1966), ou du Signe du lion d'Eric Rohmer (1959), représentation réaliste en noir et blanc de l'environnement quotidien, sans fioritures.
Les premières pages montrent le personnage sur les quais de la Seine et dans le quartier Saint-Germain, rue Saint-André-des-Arts et carrefour de Buci. Devant une devanture de cinéma, elle s'arrête pour regarder une affiche de La chinoise de Jean-Luc Godard de 1967. Suivent des images de Mai 1968.
En intérieur, les éclairages des décors sont très diffus, sans zones d'ombre, sans sophistication d'aucune sorte, comme dans Une femme mariée. La comédienne interprétant Beryl Marquees, Jacky Lombard, est éclairée de face d'une manière uniforme, se voulant neutre. Seuls les personnages masculins présentent quelquefois des contrastes sur le visage.

Un jeune homme fait absorber à l'héroïne du LSD. Le récit prend la forme d'un journal : 21 heures, absorption ; 22 heures, picotements dans tout le corps, exacerbation des sens, transposition d'une perception en une autre, une odeur ou un son musical devenant impression visuelle ; 24 heures, grand départ pour la fantasmagorie.
Les photographies changent de nature. Disposées jusque-là en trois strips horizontaux, elles deviennent dès lors plus grandes, pouvant occuper une page entière, alternent le format horizontal avec le vertical. Pour décrire le "voyage" de Beryl Marquees, elles réunissent des vues particulières de Beryl - gros plans de l'œil, mains qui se multiplient, images de la jeune femme inversées ou photographiées sous des angles étranges - avec des vues subjectives cherchant à rendre compte de ses perceptions sous l'effet de la substance.
Sa chambre neutre et dépouillée devient semblable à un antre de hippies : murs et plafonds tapissés de tentures à motifs floraux et décoratifs, sol recouvert de fourrures et de coussins, foulards pendus, bibelots divers.
Des images s'assemblent pour créer un effet de dépaysement et de saute d'une idée ou d'un sentiment à l'autre : ciels nuageux, arborescences, textures, objets photographiés en macroscopie et grossis démesurément, plans extérieurs de rochers et d'arbres, corps féminin nu. Quelques photomontages, rappelant des collages, montrent le visage de Beryl se fondant dans des formes abstraites ou des éléments du décor.

Le texte se veut littéraire. "Beryl Marquees sortit à 5 heures. Bien qu'issue du peuple, elle n'en rougissait pas."
La première phrase de l'album salue Paul Valéry. Le nom du personnage n'a même été manifestement choisi que pour cela.
Par ailleurs, les dialogues sont constitués pour une grande part de citations, et l'on rencontre ainsi Mao Tsé Toung, Paul Claudel, Paul Eluard, Leibnitz, Proudhon, Saint-Just, évidemment Timothy Leary, le "pape" du LSD, et même quelques versets de la Bible.
Les photographies sont en noir et blanc, mais les didascalies de la partie psychédélique du récit s'emplissent de couleurs : "Les objets lui apparaissaient déformées comme des images dans un miroir incurvé, des grands ronds bougent, colorés, rouges... (...) Votre visage tout jaune, la dernière fois, il était rouge et bleu. (...) ... dérivant lentement au fond d'aqueducs rouges sombres".

Images ici :
http://mogadonia.tumblr.com/post/667872 ... -voyage-de
http://www.google.fr/imgres?imgurl=http ... CDoQrQMwCA
Fichiers joints
beryl1.jpg
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PILOTEZERO
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Re: Psychédélisme en bd

Message par PILOTEZERO »

Nutello a écrit :
kris0.jpg
La même année, Kris Kool de Philippe Caza.
C'est le mois Caza et il est présent avec nous sur :
https://www.facebook.com/groups/Journal.Pilote/
Allez-y voir ! Il y a déjà plein de trucs !
Nutello
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Re: Psychédélisme en bd

Message par Nutello »

Bonjour à tous,

Je rouvre brutalement et fugitivement ce fil pour signaler que si, en musique, le mouvement du psychédélisme a été essentiellement anglo-saxon, il n'empêche qu'il a parfois poussé la chansonnette et ses ramifications sous d'autres cieux moins connus pour cela.

Et l'incorrigible militant pro-compilationnesque que je suis ne peut s'empêcher d'attirer l'attention sur certaines compilations, comme ces deux-ci, excellentes :

L'Asie :
* http://www.discogs.com/Various-Love-Pea ... ster/78676
et la Turquie :
* http://www.discogs.com/Various-Love-Pea ... ter/181403

D’autres de la même collection sont consacrées à l’Amérique Latine (Brésil, Chili, Mexique) et même à l’Afrique !
Plus proche de nous, la Hollande :

* http://www.discogs.com/Various-The-V-Li ... ter/531035
* http://www.discogs.com/Various-Flight-T ... se/1186928
* http://www.discogs.com/Various-Flight-T ... se/1186958
J.J.I.
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Re: Psychédélisme en bd

Message par J.J.I. »

Jean-Louis a écrit :Il y a aussi Druillet, qui a réalisé quelques superbes pages, notamment dans 'Les 7 voyages de Lone Sloane' et 'Délirius'. Lui aussi était fasciné par Lovecraft et Escher...

Toutefois, je pense que le LSD et autres substances hallucinogènes n'ont été qu'une composante très mineure dans le développement du courant artistique dit 'psychédélique'. La libération des moeurs (donc aussi de l'imagination) et le recul des limites, propres à cette époque, ainsi que l'engouement pour la science-fiction et le fantastique, ont été des facteurs bien plus déterminants, à mon avis...

Hélas, ce mouvement artistique/sociétal ne pouvait prospérer que dans une société d'abondance ; la crise est arrivée, et les gens sont retournés à des préoccupations beaucoup plus terre à terre...

Sur un point de détail, l'on peut noter, concernant les artistes des affiches des groupes Pop de San Francisco, l'influence de l'Art Nouveau (à mettre en relation avec les trouvailles graphiques de Windsor Mc Kay , dans 'Little Nemo'). D'ailleurs, Mc Kay ne fut-il pas précurseur du mouvement psychédélique (et sans LSD ! :wink: )? Mais comme le thème commun est d'ordre onirique...

Sur un autre point, les avancées dans le domaine de la chimie ont joué leur rôle, en fournissant des nouvelles encres et pigments aux couleurs vives.
Dans le domaine musical, l'arrivée des synthétiseurs, et des boîtes à effets n'a pas été pour peu dans l'élaboration d'un style musical. L'art et la technique ont toujours avancé de concert...
Un tout petit plus sur W. McKAY (d'un site pas mal auquel je me suis abonné récement) :

Bonjour Jean-Jacques ,
Aujourd'hui : "À dormir debout"
Où l'on découvre un artiste fan de fête foraine.

Winsor McCay, Little Nemo in Slumberland, épisode du 19 août 1906, New-York Herald
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1886, États-Unis. Le jeune Winsor McCay est envoyé dans une ville voisine de Détroit pour étudier le commerce.
Pas franchement la carrière à laquelle il aspire… Lui n’a qu’une idée en tête : dessiner !
Winsor McCay, Little Nemo in Slumberland, épisode du 11 février 1906, New-York Herald
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Alors Winsor sèche les cours. Il préfère de loin s’amuser au "Wonderland" de la ville de Détroit, qui rassemble un cirque et un centre d’attractions.
C’est là qu’il s’adonne à son hobby : au milieu des derniers manèges en vogue et des monstres, McCay tire le portrait des passants contre quelques cents. Et il a du talent ! On lui propose d’ailleurs de réaliser des affiches de spectacles. Un professeur de dessin le remarque et lui donne des leçons...

Winsor McCay, Little Nemo in Slumberland, épisode du 26 Juillet 1908, New-York Herald
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Il n'est pas prêt d'oublier cette expérience dans cet univers. Une quinzaine d’années plus tard, Winsor McCay s’essaye à la bande dessinée. Il crée le personnage de Little Nemo, un petit garçon qui, tous les soirs, s’endort paisiblement… pour plonger dans un rêve toujours insolite !

Chaque case est une composition artistique très étudiée. Et quel est le décor qui se prête aux paysages oniriques de McCay ? "Slumberland", littéralement le Pays des Songes, qu’il peuple de personnages et créatures sortis de ses souvenirs du parc "Wonderland".
A gauche : Winsor McCay, Little Nemo in Slumberland, épisode du 17 décembre 1905, New-York Herald. A droite : Photographie de l'Exposition Universelle de 1893 à Chicago
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Pour les palais de son monde imaginaire, il s’inspire néanmoins de bâtiments bien réels : ceux de l’Exposition Universelle de 1893, avec cette grande verticalité caractéristique des architectures de l’École de Chicago.

Anonyme, Robert le fils de Winsor McCay et modèle pour Nemo, New York Star, 14 novembre 1908, Vol.1 No.7
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Quant à son petit héros aux rêves agités, il ne vient pas de nulle part, lui non plus. L'artiste veut partager avec son fils ses souvenirs de jeunesse à "Wonderland"...

Comment ? En donnant à son héros Nemo les traits de Winsor McCay junior.

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:o Je crains que ma reproduction n'ait pas inclu les (belles) images :zidane:
:beer:
parti voir ailleurs si...
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