Les Partisans (De Partizanen) - Pirates (Mon Journal)

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Les Partisans (De Partizanen) - Pirates (Mon Journal)

Message par pak »

En juillet 1985, avec le numéro 108, l'éditeur Mon Journal change la thématique du contenu de son titre Pirates, l'un des plus anciens encore actifs de son catalogue, qui fut à l'origine un hors-série de Brik reprenant sa thématique d'aventures maritimes.

Dans les années 1980, le thème de la piraterie est tombé en désuétude, et si Brik parait encore, l'éditeur renouvelle complètement le contenu de Pirates en y proposant uniquement des séries de guerre. Cela ne sauvera pas le titre qui cessera avec la parution du n°120 en décembre 1986.

Si l'idée était bonne, c'était de toutes manières trop tard, la décennie voyant la disparition de tout un pan de la littérature populaire, que ce soit en termes de romans comme de bandes-dessinées petit format. J'ai d'ailleurs toujours pensé que Mon Journal aurait dû plus tôt créer au moins un titre de guerre, pour y proposer les souvent excellentes séries d'origine britanniques plutôt que de les éparpiller dans ses autres titres d'un autre genre.

Dès le numéro 108 de son titre Pirates, l'éditeur propose un récit de guerre original nommé Les Partisans. Contrairement à beaucoup d'autres récits de guerre publiés par Mon Journal (Hurricane Boy, Capitaine Prince, 5 de Commando... dans Atémi ou Charley s'en va en guerre et Commando suicide dans Bengali par exemple), l'histoire Les Partisans ne trouve pas son origine dans des revues anglaises.

En 1977, les éditeurs de la revue de bande dessinées néerlandaise Eppo souhaitent intégrer un récit de guerre. Eppo avait remplacé le magazine Pep, qui avait des liens avec les revues françaises Pilote et Tintin, et qui proposait dans ses pages des récits d'Astérix, Michel Vaillant, Clifton, Lucky Luke, Bernard Prince et bien d'autres séries francophones.

C'est d'ailleurs André Franquin qui présente aux éditeurs son ami et agent artistique yougoslave Ervin Rustemagić. Ce dernier, né en 1952, n'a à l'époque que 25 ans, mais a déjà une certaine réputation dans le monde de la bande-dessinée européenne. Il est aussi ami avec Hermann qu'il fréquente régulièrement. Au fil du temps, il nouera des liens forts avec d'autres auteurs connus comme Hugo Pratt et Joe Kubert. Pour l'anecdote, quand son pays se déchira durant la guerre entre Bosniaques, Serbes et Croates en 1992, il garda contact avec ces dessinateurs par fax. C’est à partir de ces fax puis de conversations téléphoniques que Joe Kubert aura l'idée de réaliser son fabuleux album Fax de Sarajevo.

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Franquin, donc, introduit Rustemagić aux éditions Oberon, créées en 1972, qui lui demandent de proposer une idée de scénario d'une future série de guerre. Martin Lodewijk, l'un des créateurs d'Eppo, auteur entre autres d'Agent 327 et de Storm, dont la famille est originaire de Yougoslavie, souhaitait qu'au moins la première histoire s'y déroule. Pour le dessin, sous les conseils de Franquin, Ervin Rustemagić propose Julio Radilović, dessinateur connu en France sous le nom Jules Radilovic ou tout simplement Jules, qui commençait à être remarqué grâce à sa parodie de Sherlock Holmes, Herlock Sholmes. Afin de le tester, les éditeurs demandent à Jules de dessiner deux pages ayant pour thème les partisans yougoslaves. Bout d'essai qui convainc tout le monde.

Cependant, Lodewijk et Rustemagić, hormis le titre, Les Partisans (De Partizanen), et le fait que le héros doit être un agent anglais afin de pouvoir déplacer d'éventuelles futures aventures dans d'autres pays, ne parviennent pas à se mettre d'accord sur le contenu. Jules, ayant l'habitude de travailler avec le même scénariste, Zvonimir Furtinger, propose une première histoire de 22 planches, nommée Le Traître. Mais elle ne plaît pas, et même si l'éditeur néerlandais a acheté ce travail, il décide de ne pas le publier. Le projet périclite faute de scénariste.


Mais Ervin Rustemagić a parmi ses connaissance le réalisateur Hajrudin Krvavac, auteur de plusieurs films de partisans, notamment Walter défend Sarajevo (Valter brani Sarajevo) sorti en 1972, distribué dans 60 pays, et qui obtint un tel succès en Chine que le prénom Walter y devint à la mode tandis que des rues furent nommées d'après les noms des personnages. Ce dernier lui suggère alors le nom du scénariste du film, Đorđe Lebović. Contacté, celui-ci accepte contre toute attente, et propose de recycler le scénario d'un film qu'il n'a pu finaliser faute de budget et qui devait avoir pour titre Convoi pour El Shatt. Le résultat enthousiasme les éditeurs, la première aventure de la bande dessinée Les Partisans était née. Les Partisans, ou De Partizanen, son titre original, sera pré-publiée pendant 10 ans à partir de fin 1977 dans l'hebdomadaire néerlandais Eppo avant de sortir en album. Sept albums seront publiés entre 1980 et 1989.

Fait intéressant (mais c'était courant à cette époque), Jules et Lebović ne se sont jamais rencontrés, leur collaboration sur cette bande-dessinée se faisant par courrier. Ont collaboré aussi au scénario Marcel Čukli et Ervin Rustemagić. Une intégrale De Partizanen a été éditée en néerlandais en trois tomes de 128 pages (le premier en juin 2015, puis les suites en septembre 2015 et janvier 2016). L'intégrale a été aussi édité en langue croate sous le titre Partizani, en polonais (Partyzanci), et en allemand (Die Partisanen).

En France, autant le dire, la bande-dessinée a été massacrée par Mon Journal. Adaptée pour être réduite aux dimensions du petit-format, aucune des cases n'a échappé aux redécoupages et aux retouches. Pire, plusieurs cases ont même été supprimées. Bien-sûr, l'éditeur français n'a proposé qu'une version en noir et blanc, alors que les planches originales étaient en couleur. Quant à la traduction, elle fut assez sommaire...


Ci-dessous, le découpage original des récits :

1. Het Konvooi (48 pages) revue Eppo, 1977-78 – Album 1, 1981,
2. Het Geheime document (24 pages) revue Eppo 1978, Album 2, 1981,
3. De Krijgsgevangene (24 pages) revue Eppo 1979, Album 2, 1981,
4. Commando-eenheid Y (24 pages) revue Eppo 1979-80, Album 3, 1982,
5. De Brug (24 pages) revue Eppo 1980, Album 3, 1982,
6. De Zwarte wolven (24 pages) revue Eppo 1981, Album 4, 1982,
7. De Dubbelganger (24 pages) revue Eppo 1981 – Scénario de Cukli, Album 4, 1982,
8. De Ontvoering (24 pages) revue Eppo 1981, Album 5, 1984,
9. Een val voor Dragon (24 pages) revue Eppo 1982 – Scénario de Rustemagic, Album 5, 1984,
10. Het Balkan-front (48 pages) revue Eppo 1983, Album 6 1984,
11. Operatie sneeuwvlok (24 pages) revue Eppo-Wordt Vervolgd 1987-88, Album 7, 1989,
12. De Scarabee (24 pages) revue Sjors en Sjimmie Stripblad 1988-89, Album 7, 1989.


Titres français (Pirates n°108 à 117 - Juillet 1985 à Juillet 1986) :

108 : Major "Dragon", 44 planches : première partie de l'adaptation du récit Het Konvooi,
109 : Trahisons en chaîne, 48 planches : seconde partie de l'adaptation du récit Het Konvooi,
110 : Combattants de l'ombre 46 planches : adaptation du récit Het Geheime document,
111 : Les Portes de fer, 46 planches : adaptation du récit De Krijgsgevangene,
112 : Raid impossible, 46 planches : adaptation du récit Commando-eenheid Y,
113 : Le Maestro de la dynamite, 46 planches : adaptation du récit De Brug,
114 : Mission en Dalmatie, 48 planches : adaptation du récit De Zwarte wolven,
115 : Sans ordre de mission, 40 planches : adaptation du récit Een val voor Dragon,
116 : Mission au coup par coup, 44 planches : première partie de l'adaptation du récit Het Balkan-front,
117 : Le Jardin du Diable, 40 planches : seconde partie de l'adaptation du récit Het Balkan-front.


Les histoires De Dubbelganger et De Ontvoering ont sûrement été achetées par l'éditeur Mon Journal, mais le titre Pirates est stoppé au numéro 117, et sont donc inédites en langue française. Les histoires Operatie sneeuwvlok et De Scarabee sont plus tardives, parues trois ans après la disparition des petits formats de l'éditeur, et sont donc aussi inédites en français.

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Les couvertures des sept albums originaux

Les auteurs :

Julio Radilović, alias Jules Radilovic, alias Jules, est né à Mirobor le 25/09/1928 en Yougoslavie (de nos jours en Slovénie). Ses parents s'installent à Zagreb en 1939 et il ne quittera plus cette ville. Il commence à être illustrateur en 1945, fréquente l'école des arts appliqués de la ville à partir de 1948, mais ne terminera pas son cursus, préférant se lancer en free-lance en 1952 avec la publication de sa première bande-dessinée. Il n'est pas très connu en France où il a été peu publié, de manière assez anonyme, par exemple dans les petits formats Janus Stark et Tipi dans lesquels on peut lire quelques histoires de sa parodie Herlock Sholmes (gros succès paru dans plusieurs publications en Europe et au Brésil), dans Pirates pour les débuts de sa saga Les Partisans, ou dans Akim en 1987 pour trois histoires d'Aventures Africaines. Il travaillera pendant 30 ans avec le scénariste Zvonimir Furtinger, avec lequel il créera la plupart de ses séries. Il a illustré aussi beaucoup de couvertures et de publicités. Il prend sa retraite en 1989, a été président de l'Union des Artistes de la Bande Dessinée Yougoslave et fut le premier président de la Société Croate des Auteurs de Bandes Dessinées. Décoré de l'Ordre de la Danica de la République de Croatie, il reste un auteur de bande-dessinée à découvrir en France. Julio Radilović est décédé le 26/01/2022 à Zagreb à l'âge de 93 ans.

À propos de la bande-dessinée Les Partisans, il a déclaré lors d'une interview à l'occasion du 21ème Festival de BD de Zagreb en mai 2018 : " ( … ) j’ai le sentiment que Les Partisans (De Partizanen) est mon chef-d’œuvre. Après ça, je n’ai plus rien fait d’aussi abouti et je voulais arrêter plutôt que de faire des bandes-dessinées qui me sembleraient inférieures à cette série. Je ne ressentais plus le besoin de faire des BD, alors j’ai arrêté la production intensive que j’avais dans les années 1980 quand mes séries ont touché à leur fin".

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Dorde Lebovic, alias Djordje Lebovic, alias Đorđe Lebović, est né le 27/06/1928 à Sombor en Yougoslavie (de nos jours en Serbie). De confession juive, il subit l'infamie des camps de concentration dès l'âge de 15 ans et voit sa famille décimée, passant par Auschwitz, Mauthausen et Sachsenhausen. Ce survivant de l'Holocauste restera marqué à jamais, ce qui se ressentira dans ses écrits abordant souvent la guerre. En 1947, il commence des études à la Faculté technique de Belgrade, d'où en 1948, il est transféré au Département de philosophie de la Faculté de philologie, où il obtient son diplôme en 1951. Dès ses études, il travaille comme journaliste à Radio Belgrade et dans un journal humoristique. En plus du théâtre, de la radio et de la télévision, il a travaillé sur des scénarios pour certains des films les plus célèbres en ex-Yougoslavie comme La Bataille du dernier pont (Most, 1969, film sorti en salles en France le 20/10/1971, et qui servira de base pour un des épisodes de la bande-dessinée Les Partisans), Valter brani Sarajevo (1972) ou Partizanska eskadrila (1979), des films bien-sûr ancrés dans la guerre. En 1977, il écrit le scénario de la bande-dessinée De Partizanen pour un éditeur néerlandais, là encore un récit de guerre ; une collaboration qui durera une dizaine d'années, et il semble que ce soit son unique contribution à la bande-dessinée, qui connaîtra le succès aux Pays-Bas et en Yougoslavie. Il est le fondateur et le premier président de l'Association des Dramaturges de Serbie. Il décède le 22/09/2004 à Belgrade à l'âge de 76 ans.

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pak
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Les Partisans 1 : Le Convoi (De Partizanen 1 : Het Konvooi)

Message par pak »

J'ai rédigé la présentation ci-dessus, que j'ai un peu modifié pour le forum, à l'occasion de la traduction que j'ai faite du tome 1, Le Convoi (Het Konvooi), qui est en partage sur le blog Ma collection de comics (lien de la traduction : ici).


C'est ma première grosse traduction. J'avais déjà traduit une poignée de récits du Sergent Rock inédits en France, des histoires courtes, mais c'est la première fois que je m'attèle à un album entier.

La difficulté principale fut que la langue à traduire a été le Néerlandais, langue pas facile à traduire, les outils de traduction en ligne donnant régulièrement des phrases en français incohérentes. J'ai dû souvent passer par l'Anglais, qui s'adaptait mieux. De plus, ayant trouvé l'édition allemande, j'ai pu, en mixant les trois langues, rester à peu près fidèle aux textes originaux publiés aux Pays-Bas. Je me suis aussi bien entendu appuyé sur la traduction Mon Journal, malgré le fait qu'elle était très sommaire et parfois simpliste. À la décharge du traducteur de l'époque, internet n'existait pas, sans parler des délais d'édition qui devaient mettre une pression poussant à parfois bâcler, ni du format imposé du petit format incompatible du format A4 des planches originales obligeant à s’accommoder des bulles modifiées résultantes.

Ce travail de traduction m'a pris plusieurs semaines (pas à plein temps évidemment).


Ceci dit, transformer une bande-dessinée de format classique aux dimensions 13 × 18 cm du petit format est un exercice similaire à un massacre artistique, un peu comme le pan and scan consistant à recadrer des films à un format pour lequel ils n'ont pas été prévus.


L’épisode Het Konvooi est donc adapté par Mon Journal, en deux parties, dans les numéros 108 et 109 de la revue Pirates sous les titres Major "Dragon" et Trahisons en chaîne.

Les dommages collatéraux sont nombreux : 37 cases ont été supprimées, et celles qui restent ont toutes été retouchées, très grossièrement, tandis que les dialogues sont souvent réduits à l'essentiel, et bien entendu, la couleur a disparu.

Ci-dessous, plusieurs exemples de retouches et de simplifications des dialogues effectuées par l'équipe de Mon Journal :

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Histoire de ce tome 1 : En 1943, l’île yougoslave de Vis, en mer Adriatique, est devenue le refuge de civils fuyant l'armée allemande après la capitulation de l'Italie. L’île est aussi le quartier général des partisans de Tito et une sorte d'avant-poste allié en Europe centrale. Un point stratégique que les allemands aimeraient faire tomber. Conscients du poids que pèseraient ces réfugiés en cas d'attaque, les britanniques et les yougoslaves décident de les évacuer par voie maritime vers un camp situé en Égypte. L'apprenant, les allemands décident de couler ce convoi à l'aide d'un sous-marin caché dans une des nombreuses îles de la région, et de profiter de la confusion générée par cette attaque pour envahir Vis. Les alliés montent un commando mené par le major anglais Dragon qui a pour mission de détruire le submersible...



Quelques mots sur le contexte historique... La Yougoslavie est un pays qui n'existe plus depuis 2003. Créé sur les bases du Royaume des Serbes, Croates et Slovènes qui a eu une existence éphémère dans les lendemains chaotiques de la première guerre mondiale, le Royaume de Yougoslavie voit le jour en 1919. D'abord monarchie absolue puis constitutionnelle, le royaume est aboli en 1945 et devient une république communiste sous la direction du fameux maréchal Tito. Après la mort de celui-ci, en 1980, les nationalismes des différentes ethnies constituant le pays, qui n'ont cessé d'être un casse-tête au cours des décennies d'existence de la Yougoslavie, vont être de plus en plus belliqueux, attisés par la situation économique qui se dégrade après 1980, d'autant plus après la chute du bloc soviétique. Le point culminant sera la succession des conflits des années 1990 - guerre d'indépendance croate, guerre de Bosnie-Herzégovine et guerre du Kosovo - qui mèneront au démembrement de la Yougoslavie en plusieurs états indépendants tels qu'on les connaît de nos jours : la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Macédoine, le Monténégro, la Serbie (comprenant les régions du Kosovo et de la Voïvodine) et la Slovénie.

Le 6 avril 1941, Hitler se lance à la conquête du royaume yougoslave. En effet, Mussolini s'embourbe dans son invasion de la Grèce, et son allié se voit obligé d'intervenir pour lui prêter main forte. Pour cela, ses unités doivent passer par la Yougoslavie. L’acceptation du droit de passage de l'armée allemande par le prince régent du pays Paul (l'héritier du trône Pierre II étant encore mineur) provoque un coup d'état, la mise sur le trône du jeune roi par l'armée et un rapprochement yougoslave avec l'URSS. Piqué au vif, Hitler décide de régler son sort à la Yougoslavie, et débute l'invasion en avril 1941. Onze jours plus tard, le pays est sous la botte allemande. L'Allemagne et l'Italie démembrent la Yougoslavie, divisée en zones d'occupation allemandes ou en protectorats italiens, hongrois et bulgares, et créant deux régimes collaborateurs, l'État indépendant de Croatie et le Gouvernement de Salut National de Serbie.

Mais cette rapide victoire est le prélude à une longue guerre de résistance qui débute dès l'été 1941. Deux grands mouvements vont se créer : les Tchetniks nationalistes et monarchistes commandés par Draža Mihailović, et les Partisans communistes commandés par Tito. Idéologiquement opposés, ils le seront aussi par les armes. Aussi, en même temps qu'une guerre contre l'envahisseur, se déroule une guerre civile extrêmement dure, dont les répercussions et les ressentiments perdureront plusieurs décennies et conduiront aux massacres des années 1990. Au début, les alliés occidentaux soutiennent les Tchetniks tandis que Staline soutient Tito. Mais les premiers privilégiant trop la guerre civile, quitte à collaborer avec l'occupant, dès 1943, les alliés finissent par reporter leur soutien vers Tito également. De plus, abandonnant l'idée d'une intervention dans les Balkans pour concentrer leurs forces en Europe de l'Ouest, ils laissent le champ libre à Tito pour mener le combat comme il l'entend.

Pour cela, Tito a ses partisans. D'abord membres d'une guérilla, les partisans vont rapidement s'organiser et devenir une véritable armée de l'intérieur, sans commune mesure avec les mouvements de résistance des pays occupés de l'Ouest (même si, toutes proportions gardées, on peut y voir une certaine similitude locale en France avec le maquis du Vercors ou dans le Morbihan en 1944). Afin d'attirer des hommes de tous horizons, leur direction ne prônait pas un militantisme identitaire, comme les Tchetniks serbes ou les collaborationnistes Oustachis croates, mais plutôt une Yougoslavie fédérale, respectueuse des différentes ethnies yougoslaves. Cela eut pour effet de gonfler les rangs des partisans : en 1944, Tito pouvait compter sur au moins 300 000 hommes armés et entraînés (à titre de comparaison, une division de l'infanterie allemande comprenait moins de 20 000 hommes).

Si l'équipement venait essentiellement des prises de guerre ou de matériel récupéré de l’ancienne armée yougoslave, à partir de 1943, les partisans reçoivent des armes envoyées par les Britanniques.

C'est dans ce contexte que débutent les aventures du major Dragon dans la bande-dessinée Les Partisans, avec son premier tome, Le Convoi.

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Le scénario évoque l'évacuation de civils réfugiés de l'île de Vis vers le camp d'El Shatt, récit basé sur un fait réel.

Lorsque l'Italie signe sa capitulation en septembre 1943, elle prend son armée au dépourvu, notamment les troupes basées dans les Balkans, qui occupaient certaines îles croates et une partie de la Dalmatie continentale. La population, craignant l'arrivée des allemands, commence alors à fuir la région, d'autant que les Oustachis sévissent aussi. Au total, près de 40 000 civils s’enfuiront vers l'île reculée de Vis jusqu'à l'hiver 1943-44. Cette île, à la fois quartier général de l'armée partisane et base alliée, ne peut assurer la sécurité de ces réfugiés et la nourriture manque. Il est alors décidé d'évacuer les réfugiés et la population non combattante de l'île vers le sud de l'Italie, d'abord à Bari puis à Tarente. Vis servit d'ailleurs de refuge à Tito, qui organisa la résistance à partir d'une grotte, et l'île demeurera une base navale yougoslave interdite au public jusqu'en 1989.

Mais malgré la capitulation italienne, de violents combats secouent toujours l'Italie, opposant les forces alliées et les Allemands. Après l'automne 1943 et la défaite de l'Afrikakorps, certains camps de l'armée britannique n'ont plus d'utilité militaire en Afrique du Nord. Les alliés décident alors de transférer les réfugiés yougoslaves en Égypte, principalement à El Shatt près de Suez, dans le désert de la péninsule du Sinaï, ainsi qu'à Tolumbat et Khatatba. Les réfugiés étaient logés dans des tentes, à raison d'une à deux familles par tente. Plus de 30 000 personnes, pour la plupart des femmes et des enfants, ont vécu dans le camp pendant près de deux ans dans des conditions difficiles.

Alors que la guerre touchait à sa fin, une commission de rapatriement fut formée pour organiser le retour. Mais en raison des relations parfois tendues entre la Yougoslavie de Tito et les britanniques, il a fallu plusieurs mois, de mai 1945 à mars 1946, pour que les réfugiés reviennent dans leur pays. Pendant cet exil, il y a eu 300 mariages et 475 naissances dans le camp. Un cimetière abrite aussi 715 tombes de dalmatiens qui ne reverront pas leur terre natale (au total, 856 exilés décéderont avant la fin du rapatriement), cimetière gravement endommagé lors de la Guerre des Six Jours en 1967, puis restauré en 1985. En 2003, un site commémoratif y a été créé en l'honneur des victimes de l'exil avec le soutien du gouvernement croate.

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Concluons sur l'évocation de l'unique personnage féminin du récit, Sparkie. Elle est définie comme étant une partisane. Si elles ont aussi payé le prix fort pendant le second conflit mondial, les femmes ont été peu utilisées au combat par les divers belligérants, qui les réservaient à des tâches administratives, sanitaires, de support (transport, ravitaillement, maintenance, secrétariat... ), ou, plus rarement, de renseignement.

Deux pays vont se distinguer en enrôlant des femmes en masse dans des unités combattantes. Le premier est l'URSS, qui employa des femmes dans son armée régulière, notamment comme tireuses d'élite, mais aussi dans l'aviation de chasse et de bombardement, et même, plus marginalement, dans les blindés. De plus, de nombreuses femmes combattaient dans divers groupes de partisans derrière les lignes ennemies.

Le second est la Yougoslavie. L'engagement des femmes dans l'armée de libération nationale a été sans équivalent dans l'Europe occupée. On estime à plus de 100 000 les partisanes combattantes, dont le quart, soit dans les 25 000, ont été tuées au combat, 40 000 blessées. De plus, 2 000 d'entre elles sont devenues officiers et 92 ont obtenu le statut de "héros national". Certaines s'engageaient très jeune, comme Lepa Radić, qui rejoignit les forces de Tito à 15 ans, capturée les armes à la main à 17 ans, torturée durant trois jours sans parler, pendue le 8 février 1943.

Cet engagement et ces sacrifices féminins dans un Monde certes en guerre mais aussi principalement patriarcal, seront déterminants pour la représentation de la femme dans la société du pays d'après guerre, dont les droits politiques, sociaux et économiques furent reconnus pour la première fois dans la Constitution yougoslave dès 1946.

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J'espère que ces quelques mots donneront envie à certains d'entre vous de découvrir cette bande-dessinée et son dessinateur, peu diffusés chez nous.

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Modifié en dernier par pak le dim. 03 juil. 2022, 22:33, modifié 3 fois.
Il m'apparaît de plus en plus clairement que les motifs ténébreux de cette obscurité s'enrobent d'un mystère opaque assez peu propice aux interprétations lumineuses... Achille Talon

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Giovannangeli
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Re: Les Partisans (De Partizanen) - Pirates (Mon Journal)

Message par Giovannangeli »

Bravo Pak pour cette tranche d’histoire que peu de gens connaissent en France. Je comprends mieux ta passion pour les récits de guerre. Belle recherche et étude sur cette BD que je ne connais pas, mais le contexte historique donne envie de la lire. C'est en tout cas un article remarquable. :vieux:
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Gradatio
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Re: Les Partisans (De Partizanen) - Pirates (Mon Journal)

Message par Gradatio »

Une présentation de haut niveau qui donne envie de lire la série.

Bravo et merci Pak :jap:
Modifié en dernier par Gradatio le lun. 04 juil. 2022, 09:38, modifié 1 fois.
Tu n'es plus là où tu étais mais tu es partout là où je suis.
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drou
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Re: Les Partisans (De Partizanen) - Pirates (Mon Journal)

Message par drou »

Un bel article que j'ai lu même si c'est un genre que je ne collectionne pas.
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