Tonnerre de Bulles, revue de BD

[Raymond]

Si j'ose me permettre, parmi les rares fanzines qui subsistent en France, il y a aussi la revue Tonnerre de Bulles à laquelle je participe. Elle sort quatre fois par an et contient deux ou trois grosses interviews à chaque fois.

[L'Apache]

Si j'ose me permettre, parmi les rares fanzines qui subsistent en France, il y a aussi la revue Tonnerre de Bulles à laquelle je participe. Elle sort quatre fois par an et contient deux ou trois grosses interviews à chaque fois.

Je l'achète très régulièrement à l'occasion du festival BDBOUM de Blois.

[Raymond]

Merci pour le sujet spécifique, Tovenaar !

Je vais présenter lentement le journal car il a toute une histoire, qui est étroitement liée à celle de son fondateur nommé Yannick Bonnant.

Peut être que certains d'entre vous connaissent Yannick, au moins de vue, car il est très présent dans les festivals organisés en France. Il tient en effet un petit stand qui présente au grand public son journal Tonnerre de Bulles et il est toujours ravi de discuter avec les visiteurs. Comme il est retraité depuis quelques années, il consacre beaucoup de temps à cette activité et il participe à au moins 20 festivals par an.

Au départ, Yannick était un simple amateur et collectionneur de BD, surtout dans le domaine franco-belge classique. Puis pendant les années 90, il s'est mis à participer aux interviews d'un fanzine bien connu qui se nommait Sapristi ! Cette revue est un peu oubliée aujourd'hui mais j'en garde précieusement la plupart des numéros, car chacun d'entre eux était consacré à un dessinateur plus ou moins célèbre. Sapristi proposait une longue interview richement illustrée d'un auteur, ainsi qu'une bibliographie détaillée de toute son œuvre. Je suis resté un nostalgique de cette époque (la fin du XXe siècle) qui proposait beaucoup de journaux destinés aux collectionneurs et aux curieux du monde de la BD. Ces revues se nommaient Hop, Scarce, le Collectionneur de BD, Swof, Auracan, Rêve en Bulles, Bulles Dingues, Champagne, PLG et j'en passe ! il y avait une belle abondance de littérature spécialisée et ce fut pour moi une grande époque.

Malheureusement, la plupart de ces revues ont disparu à l'orée du XXIe siècle, en grande partie à cause de l'essor de l'informatique. Yannick s'est alors retrouvé tout seul et il restait un nostalgique des journaux en papier. C'est ainsi qu'il s'est décidé à publier son premier fanzine.

La suite demain !

[Raymond]

Au cours de l'année 2003, à une époque où le fanzine "Sapristi" n'appartenait pas encore au passé, Yannick Bonnant a eu l'envie de rendre hommage à Pascal Bresson, dessinateur de BD et fondateur d'un petit fanzine nommé On a marché sur la Bulle. Cette première formule de la revue avait connu une dizaine de numéros au cours des années 90 et il m'est difficile d'en parler car je n'en ai jamais vu un exemplaire. Pour faire son hommage, Yannick décide alors de publier un "numéro zéro" de ce même fanzine, au format A5, contenant bien sûr un interview de Pascal Bresson. Et pour faire bon compte, il y ajoute des entretiens avec trois dessinateurs qu'il aime bien, à savoir Frank Pé, Enrico Marini et Fabrice Lebeault. Et puis surtout, il décide de donner à ce numéro une construction tête-bêche, qui lui permet d'avoir deux dessins de couverture, et d'y ajouter un ex-libris. Ces deux particularités vont par la suite se maintenir dans toutes les publications de Yannick Bonnant.

Après cela, la revue Sapristi disparait de la circulation et Yannick Bonnant décide de continuer à publier son On a marché sur la Bulle "deuxième série". C'est ainsi que parait au premier trimestre de l'année 2004 le numéro 1 d'OAMB, qui est consacré à Patrice Pellerin et Thierry Girod. Ces deux dessinateurs réalisent chacun une couverture mais le journal propose aussi des interviews de Frédéric Peynet et William Vance. A cette époque, le fanzine n'avait que 46 pages et les interviews n'étaient donc pas encore très longs, mais la maquette était déjà fixée. Outre son aspect tête-bêche, le journal se distinguait par l'abondance de ses illustrations, bien souvent inédites, qui aéraient et embellissaient le texte. Cette présentation se maintiendra tout au long des 29 numéros (trimestriels) d'OAMB.

Etant moi-même un grand amateur de fanzines qui analysent la BD, j'ai très vite repéré cette publication élégante et originale, qui se consacrait manifestement aux auteurs que l'on pouvait d'ores et déjà considérer comme des "grands classiques". C'est ainsi que défilèrent au fil du temps devant les intervieweurs d'OAMB des dessinateurs comme Tibet, Walthéry, Mézières, Rosinski, Gibrat, Follet, Philipe Francq, Delaby, Bourgeon, Caza, Bergèse, Leloup, Juillard, Lambil, Derib et j'en passe. Au départ, Yannick Bonnant faisait lui même toutes les interviews mais il a progressivement rassemblé autour de lui un petit cercle de passionnés. Ces nouveaux "rédacteurs" qui ont bien sûr augmenté les occasions de rencontre et multiplié les entretiens. Le fanzine est passé de 46 à 64 pages et la formule a tenu ainsi pendant 10 ans.

[reedff]

Très intéressant Raymond sur un fanzine qui était inconnu pour moi.

[Raymond]

En 2013, Yannick Bonnant a envie d'introduire quelques changements et il donne un nouveau titre à sa publication trimestrielle, qui devient dès lors Tonnerre de Bulles. La présentation change globalement assez peu car on y retrouve la disposition tête-bêche des deux parties du magazine, les ex-libris signés ainsi que les interviews richement illustrées mais on peut signaler l'arrivée d'un nouveau maquettiste (Laurent Assuid) qui va peu à peu imposer un nouveau style, caractérisé par des illustrations qui prennent toute la page. Le choix des auteurs continue sinon à privilégier les auteurs "mainstream" comme Yslaire, Walthéry, J-C Fournier, Guarnido, Boucq, Turf, Schuiten, Jannin, Mitton ou Serpieri et le nouveau fanzine se place sur la lancée du précédent.

C'est en 2017 que je rencontre pour la première fois Yannick Bonnant, après une commande d'un certain nombre de numéros de Tonnerre de Bulles (qui n'était plus distribué en Suisse). Je venais de prendre une retraite professionnelle partielle, ce qui me donnait du temps libre, et il me demande alors à brûle-pourpoint si je ne serais pas intéressé à faire moi aussi des interviews. Ma réponse est bien sûr très hésitante mais Yannick insiste d'une manière déterminée, en affirmant sa certitude que je saurais très bien mener des entretiens. Je lui accorde alors un petit "oui", à demi-mot, en ajoutant qu'il ne serait pas toujours facile de trouver des auteurs à interroger. Et c'est ainsi que je me suis retrouvé incorporé dans l'équipe du journal. Ma première interview (de Tom Tirabosco) en 2018 ne bouleverse pas les foules mais j'ai ensuite la chance de rencontrer Nikita Mandryka, qui habitait à Genève. Il était en quelque sorte un voisin (à 60 KM de chez moi ) et il m'a accordé un entretien passionnant durant presque trois heures. La machine était dès lors lancée et j'ai continué depuis lors à faire deux ou trois interviews chaque année, le plus souvent en rencontrant les auteurs.

[Raymond]

Dès les débuts de Tonnerre de Bulles, Yannick Bonnant se met aussi à publier des Hors Série consacrés à un auteur célèbre. Généralement conçus par Laurent Assuid, ces HS ne se contentent pas d'interviewer le dessinateur concerné et proposent en plus une multiplicité de petits articles, de flashs informatifs et d'hommages de confrères sous la forme de dessins ou de mini-entretiens. Je ne possède par le premier numéro qui est consacré à GIR/Moebius mais je garde un bon souvenir du 2e HS consacré à Gotlib qui retrouve avec pertinence l'esprit pétillant, la diversité d'inspiration et les multiples clins d'œil qu'adorait produire le père de la Rubrique-à-Brac.

Une dizaine de hors-séries semblables ont suivi, consacrés à Uderzo, Franquin, Patrice Pellerin, Margerin et Tardi, parmi d'autres. Le sommet de cette série HS me parait être le numéro consacré à Bilal. Paru dans un format légèrement plus grand que A5, en 2021, il existe sous deux formes : une édition brochée normale et une édition collector cartonnée avec dos toilé et cahier graphique supplémentaire (en fait un portfolio incorporé au livre). Ce hors-série est quasiment épuisé (en tout cas sous sa forme cartonnée) et il est en train de devenir un collector.

[Raymond]

La dernière transformation importante de Tonnerre de Bulles fût l'incorporation d'images en couleurs dans les interviews, à partir du numéro 32 au printemps 2023.

Le processus fût en fait progressif. Le fanzine contenait depuis ses débuts des pages publicitaires en couleurs au centre du cahier, puis l'envie vint de faire des numéros entièrement en couleur avec les hors-séries. Cela commença dans le HS consacré à Pellerin, en 2016. La couleur donnait plus de lustre au journal et il était fatal qu'elle apparaisse finalement dans les Tonnerre de Bulles "normaux". C'est dans le numéro 33 consacré à Daniel Ceppi que j'ai le plus apprécié cette nouveauté, car le maquettiste y avait incorporé des gros plans que la couleur rendait encore plus intéressants. J'avais fait l'interview et c'est toujours agréable de découvrir son texte orné de cette façon.

Tonnerre de Bulles n'a peut-être pas encore fini de progresser.

[Gradatio]

Merci Raymond pour cet historique passionnant

[Raymond]

Et maintenant, passons à l'actualité.

Signalons d'abord le Hors Série N° 12 qui est sorti en décembre 2024. Il est entièrement consacré à Derib et fait 130 pages.

J'ai beaucoup collaboré à ce projet qui m'a pris 5 ans avant de se concrétiser. En plus d'une longue interview, il contient divers articles critiques et les amateurs de Derib pourront y faire quelques découvertes. Mais je laisserai plutôt à BDZoom et ActuaBD le soin commenter ce numéro spécial.

https://www.actuabd.com/Derib-le-dessin ... -de-Bulles

https://www.bdzoom.com/199390/actualite ... %E2%80%89/

Précisons encore qu'il existe sous deux formes ; une édition brochée et un album cartonné au dos toilé (qui est bien sûr plus coûteux). Il est plus grand que le fanzine habituel (il fait 190 x 250 mm) et il est volontairement conçu comme un beau livre à mettre dans dans sa bibliothèque.

[Raymond]

Le numéro le plus récent de Tonnerre de Bulles vient de paraître et il porte le N° 37. Il est sorti à la fin janvier, juste à temps pour être présenté au festival d'Angoulême. Il n'a pas encore été commenté par les habituels webzine concernés par la BD et je vais donc ainsi donner un peu plus d'explications.

L'interview de Jean Pierre Dionnet, qu'il n'est plus nécessaire de présenter, date du printemps 2024 ! J'ai eu plusieurs entretiens téléphoniques avec lui (car nous n'arrivions pas à fixer de date pour nous rencontrer) et j'ai dû faire un choix parmi la masse d'informations et d'anecdotes qu'il m'a confiées car il est très prolixe. Je me suis concentré sur l'histoire de Métal Hurlant et sur les bandes dessinées qu'il a scénarisées et j'ai bien conscience de n'avoir abordé qu'une partie de sa longue carrière mais Dionnet était au fond d'accord avec cette primauté donnée à la BD. Les "complétistes" pourront toujours acheter son gros livre intitulé "Mes Moires", qui raconte tout le reste.

Le côté verso du journal est consacré à Doug Headline (scénariste, éditeur de BD, rédacteur de Métal etc.) et à son père Jean-Patrick Manchette, le fameux auteur de polars adaptés de multiples fois en BD ou au cinéma. Laurent Assuid a réalisé trois interviews sur ce thème, la plus longue étant bien sûr celle de Doug Headline qui raconte toute sa carrière. Les deux autres entretiens concernent Jacques Tardi, qui a mis en dessins trois romans de Manchette, et Max Cabanes qui a lui aussi adapté des polars de cet auteur en collaboration avec Doug Headline. Il en résulte un hommage assez costaud à Jean-Patrick Manchette et les fans de romans policiers apprécieront.

Le fanzine comporte aussi une section "Coups de cœur de la rédaction", où chaque contributeur du journal présente une BD récente qu'il a particulièrement aimée, et cinq albums y sont mis en vedette. Voilà pour l'actualité de Tonnerre de Bulles !