Mais José Cabrero Arnal a gardé des séquelles de ses années de guerre et d'internement. Il est souffrant. Pour le soulager, d'autres dessinateurs vont prendre le relais sur Pif ou Placid & Muzo même si le maestro catalan continue de fournir à la fois des récits et de superbes couvertures pour l'hebdomadaire. Roger Mas le seconde d'ailleurs dans
L'Humanité depuis la fin des années 40. Et c'est à ce collaborateur de la première heure que nous devons le principal apport à la famille de Pif durant la période
Vaillant :
la création de Pifou.
Le jeune chiot apparaît pour la première fois dans le numéro 685 de Vaillant daté du 29 juin 1958 alors que Pif tente de le dissimuler et pioche allégrement dans le garde-manger de la maisonnée pour rassasier son rejeton.
Car aucun doute ne persiste, même si l'identité la mère n'est jamais évoquée, Pifou est bien le fils de Pif :
Deux ou trois choses que vous avez toujours voulu savoir sur les débuts de Pifou sans jamais oser le demander...
Pour ma part, je suis convaincu que Pifou est présent dans la boîte que transporte Pif sur son vespa dès le n°684 de Vaillant. N'oublions pas que Pif a fait son entrée dans Vaillant en sortant d'une caisse en bois. Mas ne pouvait pas l'ignorer.
Dans le n°685 qui voit l'arrivée officielle de Pifou, Arnal entérine ce rajout à son univers par une allusion discrète dans l'histoire de Placid et Muzo qu'il dessine pour ce même numéro.
Cette séquence apporte - à mon sens - la preuve que le Maître était informé de la création du personnage (ce qui était la moindre des choses mais par qui ? Mas ? La rédaction ? ) et qu'il ignorait au moment où il a dessiné cette planche à quoi ressemblerait ce nouveau personnage.
Dès sa première aventure - dans le n° 685 de Vaillant - le fils de Pif qui n'a pas encore de nom pousse son premier
Glop !
- Le 29 juin 1958, retentit le premier Glop !
À noter qu'à ce moment-là, il ne s'agit pas encore d'un élément déterminant de son lexique puisqu'il émet bien davantage de
Ouap ! et de
Slup ! dans cette histoire que ce modeste et unique
Glop !
Quant au patronyme Pifou. C'est l'intéressé lui-même qui le balbutie maladroitement le premier dans son jargon enfantin en expliquant à son père qu'Hercule vient de lui tirer la queue. Nous en sommes déjà à sa huitième aventure.
- Pifou se nomme. Vaillant n° 692.
L'événement semble noyé dans l'action mouvementée de l'épisode. Mais ce nom n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd. La semaine suivante Pif le reprend définitivement pour désigner son fiston.
- Pifou a enfin son nom ! Vaillant n°693.
Pour le premier
Glop !, nous l'avons vu, la question est déja tranchée. Dans le n°701 de Vaillant, on voit apparaître une forme interrogative qui a intrinsèquement une valeur négative. Il s'agit des prémices du
Pas Glop ! complémentaire au
Glop !
La question des limites du développement langagier de Pifou va rapidement s'imposer à la petite famille. Ce thème constitue le cœur de l'intrigue proposée dans le n° 709 de Vaillant.
On verra Pif consulter un psychiatre à ce sujet. Ce dernier lui conseillera de provoquer un choc psychologique. Il y aura bien un choc mais pas celui escompté...
Rassurez-vous, dès la semaine suivante, le jeune chiot retrouvera le lexique idiosyncratique qui le caractérise.
L'affaire n'est pas réglée pour autant et la question langagière rebondit dans le n° 713 du 11 janvier 1959. La famille est exaspérée par cette situation...
Tonton César pose un ultimatum à Pif qui prend le temps de nous expliquer que cette particularité ne s'inscrit pas dans le champ du handicap...
Avant de recourir à un docte pédagogue. Peine perdue, l'expérience n'est pas vraiment concluante...
Un plan B s'impose alors. Au pays des animaux qui parlent, quoi de plus naturel que d'utiliser comme répétiteur un perroquet dont on attendait qu'il enseigne au rejeton toutes les subtilités des fables de La Fontaine mais le volatile avait bien d'autres registres en magasin...
Une chose est pourtant acquise. Pifou peut mais ne veut parler notre langage. Est-il cryptophasique ? Pas si sûr car nous comprenons très bien son jargon. Est-ce une forme de psychose ? Non, car son comportement s'adapte toujours à son environnement. Est-ce le trait saillant d'un esprit supérieur inaccessible au commun ? C'est une hypothèse que nous ne pouvons ni confirmer ni infirmer.
Et pour l'authentique premier
Pas Glop ! alors ? Il faut attendre le numéro...
Pifou est un personnage qui va évoluer en perdant assez rapidement la tête disproportionnée de ses débuts et en vivant des aventures autonomes de manière sporadique à partir du n°775 de
Vaillant, et ce, toujours sous les pinceaux de Roger Mas. Il va ensuite s'affranchir de la famille constituée de Pif, César, Agathe et Doudou pour rejoindre un nouvel environnement pavillonnaire où il cohabitera avec une sorte de bouledogue adulte du nom de Brutos. Ce molosse assurera par ailleurs l'essentiel des dialogues dans des gags déclinés la plupart du temps en une seule page. Pifou continuera cependant de fréquenter en parallèle les deux écosystèmes avant que la nouvelle déclinaison ne s'impose nettement. Cette transition est annoncée dans le n°984 du 22 mars 1964 :
La nouvelle formule des aventures de Pifou débute donc la semaine suivant en dernière page du numéro Spécial Pâques du 29 mars 1964.
Brutos le rejoint dans le n°994 de
Vaillant du 31 mai 1964 :
Le nom de cet impétueux comparse sera dévoilé pour la première fois sur une affiche dans le n°1017 du 8 novembre 1964 :
... Pas Glop la "Pasglopitude" !!!
