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L'HISTOIRE DE CORGI TOYS ET DES AUTRES
Si on veut bien comprendre l'histoire de la voiture modèle réduit, dont Corgi Toys fut un des acteurs majeurs, on ne peut pas se permettre de faire l'impasse sur celle de ses principaux concurrents directs, car ils durent vivement se concurrencer pour pouvoir conquérir un marché volatile, et garder leur place quand ils l'avaient gagnée ; et certaines de leurs décisions ne purent s'expliquer qu'en réaction de ce que faisaient leurs concurrents.
Par ailleurs il paraît évident et logique que l'industrie de la voiture modèle réduit suivit une évolution parallèle à celle de l'automobile, l'une étant le reflet en miniature de l'autre.
A cet égard, les premières voitures modèle réduit apparurent en Allemagne au début des années 1900. Elles étaient fabriquées en tôle pliée, de façon très simplifiée, et à une échelle peu réduite, de l'ordre du 1/10e. Évidemment, elles étaient fabriquées à la main de façon unitaire, alors leur coût les réservait aux enfants des familles riches.
Ah aussi, dès que ce fut au point, les miniatures furent équipées de moteurs à ressort, que l'on remontait avec une clé. Seulement avec l'ajout du poids supplémentaire et à cause de la force minime du 'moteur' les voitures n'allaient pas bien loin. Et si l'on garda cette motorisation rudimentaire pendant longtemps, faute de pouvoir faire mieux, et elle fut finalement et progressivement abandonnée pendant l'ère des années 50, quand les fabricants se rendirent compte que les modèles sans moteur se vendaient mieux parce qu'ils étaient moins chers.
Maintenant que j'ai tracé le contexte des débuts, je vais vous narrer l'histoire édifiante de Frank Hornby ; il vous semblera à l'abord que ça n'a rien à voir avec celle des voitures miniatures, mais vous verrez que l'on va s'y retrouver.
Donc, nous sommes à Liverpool (oui, comme pour les Beatles, plus tard) au début des années 1900. Frank Hornby a la quarantaine, et cela fait vingt ans qu'il travaille pour un grossiste en viande. Un jour, il lui prend l'idée de fabriquer un jouet pour ses deux fils : son idée est de fabriquer des bandes de métal perforées que l'on pourrait assembler à sa guise avec des vis et des écrous. Assez vite, il se dit que ça pourrait intéresser bien d'autres enfants que les siens, et il fait breveter son idée. Avec l'aide financière de son ancien patron (vous vous souvenez, le grossiste en viande), il se met à fabriquer et à vendre ses bandes perforées et ses boulons. Il fonde sa société qu'il appelle Meccano, et s'il commence tout petit, sa production a beaucoup de succès, si bien qu'en 1914 il ouvre sa première usine à Binns Road, toujours à Liverpool.
C'est la guerre, et son usine doit se mettre à fabriquer des munitions. Qu'à cela ne tienne, la guerre ne durera pas toujours et Frank trace des plans futurs pour se développer. La guerre finie, son entreprise prospère de mieux en mieux, et il pense à se diversifier, alors parallèlement à Meccano, il développe à partir de 1920 la fabrication de trains miniatures, qui seront les trains Hornby.
L'usine de Binns Road ne suffit plus pour tout produire, et comme la France est un gros client pour ses productions, il monte une usine dans la banlieue parisienne, d'abord à Belleville, puis à Bobigny.
Bon, les trains miniatures c'est bien joli, mais il y a une demande pour de nombreux accessoires autour : des gares, des maisons, des
voitures.
C'est ainsi qu'il va fabriquer des voitures modèle réduit qui rencontrent un grand succès.
Alors il fonde en 1934 une filiale qui fabrique des voitures miniatures au 1/43e, la même échelle que pour les trains, et il l'appelle DINKY TOYS (dinky signifie petit, mignon).
Au début, les voitures sont fabriquées en plomb moulé, mais le plomb se déforme facilement, et devient cassant (sans parler de sa nocivité qu'on ignorait à l'époque). Et puis elles sont rudimentaires, juste la carrosserie moulée, et des roues dessus...
Après, les voitures seront fabriquées en tôle emboutie, puis finalement en zamac (alliage de zinc, d’aluminium, de magnésium et de cuivre peu coûteux) injecté sous pression.

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Frank Hornby mourut en 1936, mais Dinky Toys continuera à prospérer et fabriquera plus de 600 modèles de véhicules au cours de son existence, puis subira des vicissitudes qui le pousseront à fermer Binns Road en 1979 (mais des miniatures estampillées Dinky Toys continueront à être fabriquées en Espagne jusqu'en1981).
Mais en 1934, nous n'en sommes pas encore là. Cette année-là, Philipp Ullmann, un Allemand qui a travaillé 30 ans dans l'industrie du jouet à Nuremberg vient s'installer en Angleterre, peu rassuré par la montée du nazisme dans son pays d'origine.
Avec Arthur Katz il fonde en 1936 la Mettoy (metal toy), et se met à fabriquer des voitures miniatures en tôle emboutie, pas pires ni mieux que celles de ses concurrents.
Et puis la 2e Guerre mondiale éclate en 1939. Mettoy et Dinky doivent arrêter les jouets, et fabriquer du matériel d'armement. Indirectement c'est une chance pour eux, car à la fin de la guerre ils sont en possession d'usines ultra modernes pour l'époque, dont le coût a été subventionné en partie par l’État, et disposent de personnels hautement qualifiés.
Bon, le temps de reconvertir leurs chaînes de fabrication, de sécuriser leurs filières d'approvisionnement, de développer et roder leurs réseaux de vente au début des années 50, tout était en place pour développer une prospérité qui n'allait que s'affirmer les années suivantes.
Cependant, la fin de la Guerre fut une période d'effervescence propice à lancer des affaires, et c'est ainsi qu'en 1947 Rodney Smith et Lesley Smith (aucun lien de parenté) et Jack Odell s'associèrent pour le meilleur et pour le pire et fondèrent leur société Lesney (à partir des prénoms des Smith). Ils n'avaient presque pas d'argent, mais purent acheter d'occasion des machines de moulage industriel sous pression. Odell était un créatif et était aussi un génie de la mécanique, et ce qu'il ne trouvait pas ou était trop cher pour eux, il le fabriquait. Lesley était l'homme des finances et de l'administration. Il commencèrent par faire de la sous-traitance et prospérèrent gentiment.
Jack Odell avait une fille, Anne, qui avait la manie d'amener à son école toutes sortes de bestioles du genre araignées, vers...etc, dans une boîte d'allumette (du modèle familial). Odell, qui voulait lui faire perdre cette habitude, lui a alors proposé de lui fabriquer une voiture modèle réduit qu'elle pourrait mettre dans sa boîte d'allumette. Ce qu'il fit en 1952 sous forme d'un rouleau compresseur miniature. Sa réalisation eut un grand succès, et les enfants lui demandèrent de leur fabriquer à eux aussi un modèle réduit dans une boîte, et c'est ainsi qu'en 1953 naquit Matchbox, qui eut un énorme succès, de par ses prix modiques et par son conditionnement qui permettait à n'importe quel commerce d'en vendre.
En 1958, Rodney Smith, qui avait la bougeotte, vendit ses parts de l'entreprise et partit s'établir en Australie.
Matchbox continua à prospérer jusqu'à sa faillite en 1982, et fut finalement racheté par Mattel.
Je ne détaillerai pas plus l'histoire de Matchbox, laissant ce soin à PPA, s'il le souhaite.
Pendant ce temps-là, et un peu avant, après avoir en 1952 considérablement agrandi l'usine de Swansea et engagé des experts métallurgistes pour sécuriser la qualité du zamac employé, Mettoy engagea en janvier 1954 Marcel Van Cleemput, un designer d'origine française, qui allait s'occuper de la conception de tous les modèles réduits jusqu'en 1983. Car je ne vous l'ai pas encore dit, mais en 1955, Mettoy devint Corgi Toys (Corgi en hommage à la reine Elisabeth II, qui aimait beaucoup les Corgi, des chiens de berger gallois).

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Chez Corgi la conception et la fabrication s'effectuaient sur deux sites différents.
La fabrication était assurée par l'usine de Swansea, et à environ 220 km plus loin, à Northampton, se situaient les bureaux d'études et les ateliers de mise au point des prototypes.
Pendant toute son existence, Corgi Toys se montra particulièrement innovant et se démarqua de la concurrence par ses modèles originaux et sa qualité de fabrication. Dès son apparition en tant que marque distinctive, Corgi se positionna par rapport à Dinky, et démarra en fanfare en se positionnant comme : "Celles [les voitures] qui ont des vitres", car Dinky n'en avait pas (que des trous à la place).
Corgi se fit connaître aussi par ses modèles repris de films ou de série TV. La première voiture qui inaugura la série fut la Volvo P1800, évoquant la série TV 'Le Saint', avec Roger Moore. L'adaptation fut aisée, Corgi reprit la Volvo P1800 qu'il avait sorti en juillet 62, lui colla un décalcomanie du logo 'Le Saint' sur le capot, ajouta une figurine au volant, la lança en 1965, et il s'en vendit 1,2 million d'exemplaires.
Après suivirent l'Aston Martin de James Bond, la Batmobile, Chitty Chitty Bang Bang...etc.
Mais le 8 mars 1969 fut un jour noir pour Corgi Toys. Un gigantesque incendie détruisit entièrement son usine de Swansea, dont ses entrepôts pleins à craquer de la production d'une année entière.
1969 fut donc une année blanche pour Corgi, et nombre de ses clients durent se tourner vers Dinky Toys pour pouvoir garnir les rayons de leurs magasins.
Mais Corgi, heureusement, disposait encore de son site de direction, recherche et développement de Northampton, resté intact, et sut reconstituer ses capacités de production.
Si bien qu'en 1970, le volume de vente fut quand même de 11 millions de modèles réduits vendus (en 1968,
Corgi avait vendu 14,2 millions de miniatures).
Hélas, malgré tous leurs efforts, les ventes ne firent que diminuer de plus en plus les années suivantes, et leurs concurrents étaient logés à la même enseigne. Les voitures miniatures se vendaient de moins en moins...
Les beaux jours étaient passés, et la société Corgi Toys fut rachetée par Mattel en 1989, reprit son indépendance en 1995, puis fut finalement rachetée par Hornby en 2008.
De 1957 à 1981, Corgi Toys a vendu 215 millions de véhicules miniatures.
La meilleure année fut 1967, avec 17 millions de ventes, dont 10 millions à l'export.