La faute au Midi !
Posté : dim. 30 mars 2014, 14:07
Je m'excuse pour ce texte un peu long mais je vous assure que vous n'en regretterez pas la lecture, tant ce qui est exposé ici est essentiel à connaître.
Ayant eu la chance de lire en avant première la BD "la faute au midi" et devant la qualité de celle-ci il m'a paru indispensable que l’on s’y intéresse car elle nous présente pour la première fois en BD un fait historique totalement incroyable.
C’est l’historien Jean Yves le Naour, qui est au scénario avec Dan au dessin.
Le duo fonctionne à merveille puisque l’un et l’autre connaissent sur le bout des doigts leur sujet.
Dan ayant déjà réalisé deux BD sur la grande guerre quant à Jean Yves (est-il vraiment besoin de le présenter ?) il est l’un des meilleurs historiens de la grande guerre.
Cette Bd nous raconte l’histoire d’une tactique désastreuse et d’une calomnie.
La tactique désastreuse c’est celle de Joffre lors de la bataille de Lorraine. Le généralissime avec ses théories de l’offensive à outrance a envoyé à la mort des régiments entiers sans se rendre compte que la guerre avait changé de visage et était devenue industrielle et moderne. Selon lui nos soldats avec leur seul courage devaient l’emporter face aux Allemands armés de canons…
Le résultat fût un désastre dont les conséquences fatales (le risque d’une invasion du pays) furent pourtant limitées par nos hommes qui sauvèrent Nancy, bloquant ainsi les Allemands.
La calomnie c’est que Joffre refusant d’avouer ses erreurs chercha un coupable.
« L’offensive en Lorraine a été superbement entamée. Elle a été enrayée brusquement par des défaillances individuelles ou collectives qui ont entraîné la retraite générale et nous ont occasionnés de très grosses pertes. J’ai fait replier en arrière le XVeme corps qui n’a pas tenu sous le feu et qui a été la cause de l’échec de notre offensive »
Extrait du rapport de Joffre au ministre de la guerre Adolphe Messimy le 21 août à 19 heures.
En réalité c'est le XXeme corps qui recula le premier. Comment du reste pouvait-il en aller autrement pour ces pauvres soldats seuls face à des canons ?. Et par suite du mouvement de recul du XXeme corps , le XVeme corps recula aussi après avoir subit des pertes terribles.
Cependant propagande oblige on ne pouvait annoncer que nos meilleurs soldats (ceux du XXeme corps) avaient cédés face à l’ennemi. Les lorrains (considérés alors comme les meilleurs soldats de France, la fameuse « division de fer ») ne pouvaient pas avoir cédés face à l'ennemi c'était impensable et Joffre ne pouvait pas s'être trompé !.
Il était plus pratique de désigner un autre coupable et c'est donc la troupe du XVeme corps d’armée qui se retrouva mise en cause.
Une rumeur ne peut tenir que sil elle s'appuie sur une atmosphère préexistante or la réputation des Méridonaux n’est pas très flatteuse à cette époque. Pensez-vous « ils sentent l’ail », « ils parlent mal le français », « ils sont paresseux », et surtout « ce sont tous des Tartarins de Tarascon » (traduisez ce sont : des forts en gueule et des incapables).
Rajoutez à cela que le XVeme corps déborde largement au-delà de la Provence puisqu’on y trouve aussi la Drôme ou la Corse par exemple et vous aurez en fait le procès du Sud fait par le Nord…
Le Sénateur Gervais se déchaîne contre les méridionaux et parle de lâcheté de la part des hommes du sud.
Aussitôt la vente des fromages frais Gervais s’effondre dans le sud alors que la marque n’a aucun lien de parenté avec le sénateur, mais rien y fait la division menace le pays (on est loin des clichés de l’union nationale que l’on voit dans les manuels scolaires !).
On brule les journaux en place publique (on parle des "fumiers de la presse"), Gervais est désigné comme « la honte du Sénat ». On se bat en duel entre officiers pour sauver l’honneur des hommes. En effet comment admettre qu’après avoir donné sa vie suite à une tactique lamentable, après avoir contribué à sauver la patrie (à Nancy) on accuse des soldats de lâcheté.
Poincaré s’affole et comprend avec les dernières informations que l’affaire a été montée de toute pièce contre les méridionaux, il veut rétablir l’injustice et demande à son ministre Messimy de démissionner, celui-ci obtempère payant l'imprudence de ne pas avoir vérifié l’information donnée par Joffre. On imagine sans peine ce qu’il a dû ressentir à l’égard de Joffre…
La BD nous propose de suivre Auguste Odde soldat de Toulon qui va se retrouver mis en cause de façon dramatique alors qu'il avait fait son devoir avec courage.
Une BD remarquable (superbes dessins et scénario très agréable à lire) et un document historique fort que je vous invite à découvrir.
C’est mon coup de cœur du mois d’avril. Ne ratez pas « la faute au midi »
Ayant eu la chance de lire en avant première la BD "la faute au midi" et devant la qualité de celle-ci il m'a paru indispensable que l’on s’y intéresse car elle nous présente pour la première fois en BD un fait historique totalement incroyable.
C’est l’historien Jean Yves le Naour, qui est au scénario avec Dan au dessin.
Le duo fonctionne à merveille puisque l’un et l’autre connaissent sur le bout des doigts leur sujet.
Dan ayant déjà réalisé deux BD sur la grande guerre quant à Jean Yves (est-il vraiment besoin de le présenter ?) il est l’un des meilleurs historiens de la grande guerre.
Cette Bd nous raconte l’histoire d’une tactique désastreuse et d’une calomnie.
La tactique désastreuse c’est celle de Joffre lors de la bataille de Lorraine. Le généralissime avec ses théories de l’offensive à outrance a envoyé à la mort des régiments entiers sans se rendre compte que la guerre avait changé de visage et était devenue industrielle et moderne. Selon lui nos soldats avec leur seul courage devaient l’emporter face aux Allemands armés de canons…
Le résultat fût un désastre dont les conséquences fatales (le risque d’une invasion du pays) furent pourtant limitées par nos hommes qui sauvèrent Nancy, bloquant ainsi les Allemands.
La calomnie c’est que Joffre refusant d’avouer ses erreurs chercha un coupable.
« L’offensive en Lorraine a été superbement entamée. Elle a été enrayée brusquement par des défaillances individuelles ou collectives qui ont entraîné la retraite générale et nous ont occasionnés de très grosses pertes. J’ai fait replier en arrière le XVeme corps qui n’a pas tenu sous le feu et qui a été la cause de l’échec de notre offensive »
Extrait du rapport de Joffre au ministre de la guerre Adolphe Messimy le 21 août à 19 heures.
En réalité c'est le XXeme corps qui recula le premier. Comment du reste pouvait-il en aller autrement pour ces pauvres soldats seuls face à des canons ?. Et par suite du mouvement de recul du XXeme corps , le XVeme corps recula aussi après avoir subit des pertes terribles.
Cependant propagande oblige on ne pouvait annoncer que nos meilleurs soldats (ceux du XXeme corps) avaient cédés face à l’ennemi. Les lorrains (considérés alors comme les meilleurs soldats de France, la fameuse « division de fer ») ne pouvaient pas avoir cédés face à l'ennemi c'était impensable et Joffre ne pouvait pas s'être trompé !.
Il était plus pratique de désigner un autre coupable et c'est donc la troupe du XVeme corps d’armée qui se retrouva mise en cause.
Une rumeur ne peut tenir que sil elle s'appuie sur une atmosphère préexistante or la réputation des Méridonaux n’est pas très flatteuse à cette époque. Pensez-vous « ils sentent l’ail », « ils parlent mal le français », « ils sont paresseux », et surtout « ce sont tous des Tartarins de Tarascon » (traduisez ce sont : des forts en gueule et des incapables).
Rajoutez à cela que le XVeme corps déborde largement au-delà de la Provence puisqu’on y trouve aussi la Drôme ou la Corse par exemple et vous aurez en fait le procès du Sud fait par le Nord…
Le Sénateur Gervais se déchaîne contre les méridionaux et parle de lâcheté de la part des hommes du sud.
Aussitôt la vente des fromages frais Gervais s’effondre dans le sud alors que la marque n’a aucun lien de parenté avec le sénateur, mais rien y fait la division menace le pays (on est loin des clichés de l’union nationale que l’on voit dans les manuels scolaires !).
On brule les journaux en place publique (on parle des "fumiers de la presse"), Gervais est désigné comme « la honte du Sénat ». On se bat en duel entre officiers pour sauver l’honneur des hommes. En effet comment admettre qu’après avoir donné sa vie suite à une tactique lamentable, après avoir contribué à sauver la patrie (à Nancy) on accuse des soldats de lâcheté.
Poincaré s’affole et comprend avec les dernières informations que l’affaire a été montée de toute pièce contre les méridionaux, il veut rétablir l’injustice et demande à son ministre Messimy de démissionner, celui-ci obtempère payant l'imprudence de ne pas avoir vérifié l’information donnée par Joffre. On imagine sans peine ce qu’il a dû ressentir à l’égard de Joffre…
La BD nous propose de suivre Auguste Odde soldat de Toulon qui va se retrouver mis en cause de façon dramatique alors qu'il avait fait son devoir avec courage.
Une BD remarquable (superbes dessins et scénario très agréable à lire) et un document historique fort que je vous invite à découvrir.
C’est mon coup de cœur du mois d’avril. Ne ratez pas « la faute au midi »
