Du 19 décembre 1946 au 4 janvier 1947 s'est tenu au Bon Marché, un grand magasin du 7e arrondissement de Paris, ce qui fut peut-être bien le premier festival BD jamais organisé en France : le Salon de l'Image et du Dessin Français.
Ce topic a pour vocation de recenser des informations concernant ce salon à travers différents illustrés de l'époque.
On savait déjà que le journal Vaillant avait participé à cette opération commerciale car il existe une photo bien connue de son équipe réalisée à cette occasion (visible dans le trombinoscope du forum Pif). Il existe une autre vue du stand vaillant publiée dans le mensuel Regards :
On trouve également dans les pages rédactionnelles de Coq Hardi des traces de la participation du journal de Marijac à cette même manifestation. Les voici :
À gauche du chef Wakan-Sica, l'homme au chapeau c'est Marijac dit le "Sachem sans plumes".
Le salon BD du Bon Marché en 1946
- Nasdine Hodja
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Le salon BD du Bon Marché en 1946
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Re: Le salon BD du Bon Marché en 1946
Toujours en quête de bonnes nouvelles Nasdine.Nasdine Hodja a écrit : mer. 18 mars 2020, 17:27 Du 19 décembre 1946 au 4 janvier 1947 s'est tenu au Bon Marché, un grand magasin du 7e arrondissement de Paris, ce qui fut peut-être le premier festival BD jamais organisé en France : le Salon de l'Image et du Dessin Français. On savait déjà que le journal Vaillant avait participé à cette opération commerciale car il existe une photo bien connue de son équipe réalisée à cette occasion (visible dans le trombinoscope du forum Pif). On trouve dans les pages rédactionnelles de Coq Hardi des traces de la participation du journal de Marijac à cette même manifestation. Les voici :

- Nasdine Hodja
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Re: Le salon BD du Bon Marché en 1946
Le fonds Saint Ogan consultable en ligne sur le site de la Cité internationale de la bande dessinée et de l'image conserve les carnets personnels de l'auteur. Le cahier 46 nous apporte quelques informations complémentaires sur ce salon de 1946 :
. Le salon a été organisé par le Syndicat des dessinateurs de journaux pour enfants :
. Je(a)n Trubert a reçu à cette occasion le Grand Prix de l'Image Française décerné par un jury dont Saint-Ogan était le Président :
. Ce salon s'inscrivait dans le courant protectionniste qui débouchera sur la Loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse :
. L'illustré France-soir Jeudi y participait aussi mais en mettant paradoxalement Luc Bradefer en avant :
. Le salon a été organisé par le Syndicat des dessinateurs de journaux pour enfants :
. Je(a)n Trubert a reçu à cette occasion le Grand Prix de l'Image Française décerné par un jury dont Saint-Ogan était le Président :
. Ce salon s'inscrivait dans le courant protectionniste qui débouchera sur la Loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse :
. L'illustré France-soir Jeudi y participait aussi mais en mettant paradoxalement Luc Bradefer en avant :
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Re: Le salon BD du Bon Marché en 1946
J'ai déterré un entrefilet publié le 21 décembre 1946 dans le quotidien d'informations France Libre qui rend compte lui aussi de l'inauguration du Salon du Bon Marché 3 jours plus tôt :
Que retenir de cet article ?
Que les nombreuses coquilles sur les patronymes des vétérans du 9e Art sont trop massées et connotées pour ne pas être volontaires. Joë Hamman/Hammam, le cow-boy de Montmartre appréciait l'Inipi lakota. Edmond François Calvo/Calva - Hips ! - un natif de Normandie tout comme l'eau-de-vie de cidre. Et pour Auguste Liquois/Liguois alors ? Un lien géographique avec Ligueux ? Une pique à la manière d’un calembour qui laisserait entendre à mots couverts que Liquois était réputé ligué aux ennemis passés et présents de ce journal gaulliste et anti-communiste ? J’opte pour la seconde hypothèse. D'autres considérations plus subtiles pouvaient aussi justifier la fusion de Liquois, ligue et Loi. Liquois était le secrétaire général et en réalité le patron officieux du syndicat des dessinateurs de journaux pour enfants [S.D.J.E.] qu’il avait relancé en janvier 1946 sur les fondations d’un précédent syndicat. Liquois est d’ailleurs probablement le véritable maître d’œuvre de ce salon du Bon Marché. Alain St-Ogan, - président du S.D.J.E. – jouait surtout le rôle d’un illustre porte-étendard dont l’aura permettait d’espérer pouvoir porter dans la presse et en haut lieu les revendications protectionnistes du syndicat. Liquois était en train de liguer au sein du S.D.J.E. des dessinateurs aux convictions politiques éparses autour de l’idée d’une limitation par la Loi des bandes dessinées étrangères à un quota de 25 % par publication. Liquois concourait aussi, au moins à ce moment là, à liguer le S.D.J.E. avec les mouvements communistes, catholiques, laïcs et ceux issus des cercles de moralité autour d’arguments portant sur l’assainissement du contenu de la presse enfantine française.
L'auteur anonyme de l'article connaissait son petit monde comme semble le confirmer l'usage des guillemets autour du terme « Jeunes ». Henri Fox, André Oulié et Rémy Bourlès n'étaient déjà plus des perdreaux de l'année en 1946. Pour Billon, j'ai plutôt tendance à croire qu'il s'agit de Pierre et non de Daniel qui n'avait pas encore vraiment démarré sa carrière. Pierre Billon était alors d'âge mur. En tout cas, à l'exception de l'énigmatique Helem (qui faisait du sous-Vica dans Vaillant), la génération montante citée a confirmé son talent par la suite. Ça devait être quelque chose de découvrir les originaux exposés lors de ce salon. Les noms de Jean Ache et René Detire m’amènent en plus à imaginer qu’à côté des stands déjà identifiés de Vaillant, Coq Hardi, France-soir Jeudi et La semaine de Suzette, l’hebdomadaire O.K pouvait peut-être bien tenir le sien.
L’article nous éclaire ensuite sur la réelle finalité de ce salon. Le message est assez clair. Inutile d’importer des Amériques ce que de talentueux artisans français savent faire : des journaux pour la jeunesse, des bandes dessinées modernes pour les animer. Un message à resituer dans son contexte. La première vague d’américanisation des illustrés français déferle avant-guerre dans le sillage de la création du Journal de Mickey et de son succès. Elle a laissé des traumas. Des publications ont disparu ou ont dû effectuer une mue profonde pour s’adapter à cette nouvelle donne (La Jeunesse illustrée en juin 1935 - Les Jeunes de France en novembre 1935 - L’Écho du Noël en décembre 1935 – Guignol en décembre 1936 - Les belles images en décembre 1936 - Le Petit Illustré en mars 1937 - Cri-Cri en juin 1937 - L'intrépide/Offenstadt en juin 1937). Des acteurs du secteur se sont à l’époque mobilisés pour des raisons idéologiques ou corporatistes. Georges Sadoul, rédacteur en chef de Mon Camarade, dénonce le danger de la mainmise « des trusts » américain et italien. Jean de Lardelec, collaborateur de l'abbé Bethléem, fustige « l’indigence intellectuelle et morale » des publications nouvelles associées aux noms de Winkler, Del Duca et Carozzo. Les porte-paroles des principales organisations représentatives des dessinateurs comme Etienne Le Rallic et André Galland s’alarment des évolutions techniques favorisant l’import de flans et clichés d’imprimerie étrangers. La vague submersive d’avant-guerre arrive des Etats-Unis, d’Italie et dans une moindre mesure d’Angleterre. Mais la quantité et la qualité de l’offre américaine couplée à l’efficacité logistique et économique de l’organisation en syndicate en font la principale menace. L’Occupation met un terme à la situation. Au lendemain de la Libération, une nouvelle génération d’auteurs de bandes dessinées arrive sur le marché hexagonal. Cet article le montre à voir. Mais l’offre de travail sera-t-elle suffisante pour tous les dessinateurs si un retour en force des illustrés américanisés s’opérait sur le sol français ? L'enjeu est là. Ce salon du Bon Marché de 1946 n’a donc rien d’anecdotique. C’est un jalon important dans la campagne de mobilisation des dessinateurs qui s’inscrit dans un mouvement plus vaste qui débouchera sur la loi n°49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse.
Et ensuite ? Le secret de polichinelle entourant les collaborations professionnelles de Liquois sous L’Occupation refait (opportunément) surface. Il démissionne en mars 1947 de son poste de secrétaire général du S.D.J.E. pour être remplacé par Robert Dansler. Le prix attribué à Trubert en 1946, sera remis – toujours par l'inamovible St-Ogan - à Raoul Auger (alias Ariel) en 1947 et à Louis Lempereur (alias Poléon) en 1948 avant de disparaître. Ce prix était tout de même doté de 10 000 anciens francs en espèces et il devait alterner d’une année sur l’autre dessinateur comique et dessinateur réaliste. La principale revendication du S.D.J.E. sur un contingentement des BD étrangères n’a pas été reprise dans la loi de 1949. Les petites mains n’ont jamais le dernier mot.
Que retenir de cet article ?
Que les nombreuses coquilles sur les patronymes des vétérans du 9e Art sont trop massées et connotées pour ne pas être volontaires. Joë Hamman/Hammam, le cow-boy de Montmartre appréciait l'Inipi lakota. Edmond François Calvo/Calva - Hips ! - un natif de Normandie tout comme l'eau-de-vie de cidre. Et pour Auguste Liquois/Liguois alors ? Un lien géographique avec Ligueux ? Une pique à la manière d’un calembour qui laisserait entendre à mots couverts que Liquois était réputé ligué aux ennemis passés et présents de ce journal gaulliste et anti-communiste ? J’opte pour la seconde hypothèse. D'autres considérations plus subtiles pouvaient aussi justifier la fusion de Liquois, ligue et Loi. Liquois était le secrétaire général et en réalité le patron officieux du syndicat des dessinateurs de journaux pour enfants [S.D.J.E.] qu’il avait relancé en janvier 1946 sur les fondations d’un précédent syndicat. Liquois est d’ailleurs probablement le véritable maître d’œuvre de ce salon du Bon Marché. Alain St-Ogan, - président du S.D.J.E. – jouait surtout le rôle d’un illustre porte-étendard dont l’aura permettait d’espérer pouvoir porter dans la presse et en haut lieu les revendications protectionnistes du syndicat. Liquois était en train de liguer au sein du S.D.J.E. des dessinateurs aux convictions politiques éparses autour de l’idée d’une limitation par la Loi des bandes dessinées étrangères à un quota de 25 % par publication. Liquois concourait aussi, au moins à ce moment là, à liguer le S.D.J.E. avec les mouvements communistes, catholiques, laïcs et ceux issus des cercles de moralité autour d’arguments portant sur l’assainissement du contenu de la presse enfantine française.
L'auteur anonyme de l'article connaissait son petit monde comme semble le confirmer l'usage des guillemets autour du terme « Jeunes ». Henri Fox, André Oulié et Rémy Bourlès n'étaient déjà plus des perdreaux de l'année en 1946. Pour Billon, j'ai plutôt tendance à croire qu'il s'agit de Pierre et non de Daniel qui n'avait pas encore vraiment démarré sa carrière. Pierre Billon était alors d'âge mur. En tout cas, à l'exception de l'énigmatique Helem (qui faisait du sous-Vica dans Vaillant), la génération montante citée a confirmé son talent par la suite. Ça devait être quelque chose de découvrir les originaux exposés lors de ce salon. Les noms de Jean Ache et René Detire m’amènent en plus à imaginer qu’à côté des stands déjà identifiés de Vaillant, Coq Hardi, France-soir Jeudi et La semaine de Suzette, l’hebdomadaire O.K pouvait peut-être bien tenir le sien.
L’article nous éclaire ensuite sur la réelle finalité de ce salon. Le message est assez clair. Inutile d’importer des Amériques ce que de talentueux artisans français savent faire : des journaux pour la jeunesse, des bandes dessinées modernes pour les animer. Un message à resituer dans son contexte. La première vague d’américanisation des illustrés français déferle avant-guerre dans le sillage de la création du Journal de Mickey et de son succès. Elle a laissé des traumas. Des publications ont disparu ou ont dû effectuer une mue profonde pour s’adapter à cette nouvelle donne (La Jeunesse illustrée en juin 1935 - Les Jeunes de France en novembre 1935 - L’Écho du Noël en décembre 1935 – Guignol en décembre 1936 - Les belles images en décembre 1936 - Le Petit Illustré en mars 1937 - Cri-Cri en juin 1937 - L'intrépide/Offenstadt en juin 1937). Des acteurs du secteur se sont à l’époque mobilisés pour des raisons idéologiques ou corporatistes. Georges Sadoul, rédacteur en chef de Mon Camarade, dénonce le danger de la mainmise « des trusts » américain et italien. Jean de Lardelec, collaborateur de l'abbé Bethléem, fustige « l’indigence intellectuelle et morale » des publications nouvelles associées aux noms de Winkler, Del Duca et Carozzo. Les porte-paroles des principales organisations représentatives des dessinateurs comme Etienne Le Rallic et André Galland s’alarment des évolutions techniques favorisant l’import de flans et clichés d’imprimerie étrangers. La vague submersive d’avant-guerre arrive des Etats-Unis, d’Italie et dans une moindre mesure d’Angleterre. Mais la quantité et la qualité de l’offre américaine couplée à l’efficacité logistique et économique de l’organisation en syndicate en font la principale menace. L’Occupation met un terme à la situation. Au lendemain de la Libération, une nouvelle génération d’auteurs de bandes dessinées arrive sur le marché hexagonal. Cet article le montre à voir. Mais l’offre de travail sera-t-elle suffisante pour tous les dessinateurs si un retour en force des illustrés américanisés s’opérait sur le sol français ? L'enjeu est là. Ce salon du Bon Marché de 1946 n’a donc rien d’anecdotique. C’est un jalon important dans la campagne de mobilisation des dessinateurs qui s’inscrit dans un mouvement plus vaste qui débouchera sur la loi n°49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse.
Et ensuite ? Le secret de polichinelle entourant les collaborations professionnelles de Liquois sous L’Occupation refait (opportunément) surface. Il démissionne en mars 1947 de son poste de secrétaire général du S.D.J.E. pour être remplacé par Robert Dansler. Le prix attribué à Trubert en 1946, sera remis – toujours par l'inamovible St-Ogan - à Raoul Auger (alias Ariel) en 1947 et à Louis Lempereur (alias Poléon) en 1948 avant de disparaître. Ce prix était tout de même doté de 10 000 anciens francs en espèces et il devait alterner d’une année sur l’autre dessinateur comique et dessinateur réaliste. La principale revendication du S.D.J.E. sur un contingentement des BD étrangères n’a pas été reprise dans la loi de 1949. Les petites mains n’ont jamais le dernier mot.
Ça a débuté comme ça.
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- Nasdine Hodja
- Maître Jedi
- Enregistré le : mer. 11 avr. 2007, 00:00
Re: Le salon BD du Bon Marché en 1946
J’ai cherché à voir quels journaux avaient couvert ce salon du Bon Marché (certains sont disponibles sur Gallica) :
. Regards n°74 du 3 janvier 1947 - Magazine hebdomadaire de reportage (communiste) - Chandelle en page 12 - Le voyage au pays des merveilles (photo du stand Vaillant).
. Coq Hardi n° 37, 40, 41 et 44 – Hebdomadaire jeunesse de Marijac (exposant).
. ??? - Ils lisent France-soir-Jeudi […] => Probablement le quotidien France-soir.
. Images du monde n° 104 du 31 décembre 1946 - Magazine hebdomadaire de reportage (conservateur) - 3 demi-colonnes en page 17 + illustrations en pied - Alain Saint-Ogan, Pinchon et Liquois désignent Jen Trubert, Ancien Boxeur […]
. Franc-Tireur n° 774 du 20 décembre 1946 – Quotidien parisien d’informations (indépendant) - Entrefilet en page 2 - Enfin, un salon sérieux […]
. Havre libre n° ? du ? - Quotidien régional d’informations (progressiste) - Entrefilet en page ? - Le dessin français a (enfin ?) ses titres de noblesse.
. France Libre n°901 du 21 décembre 1946 - Quotidien national d’informations (conservateur) - Entrefilet en page 2 – À Jean Trubert le Grand Prix du Dessin français
Je verse au dossier un extrait d’un hebdomadaire catholique du Maroc (alors sous protectorat français) de février 1948 (plus d'un an avant le vote de la Loi) qui au détour d’une critique acerbe de Hardi… présente Donald évoque lui aussi les inquiétudes des dessinateurs :
Catholique, conservatrice, indépendante, progressiste, communiste, la presse de tous bords se fait le relais de la revendication protectionniste du S.D.J.E. même si la matérialité (longueur-placement) de ces articles-relais est d’évidence assez modeste. En dehors des enfants qui la lisent, des auteurs ou éditeurs qui la font et en vivent ou encore de quelques éducateurs qui la surveillent et s'en servent à dessein, la presse illustrée pour les jeunes est encore un non-sujet pour le grand public. Pénurie, rationnement, logement, situation politique et nouvelle donne internationale, les vrais sujets d'adultes ne manquent pas en 1946.
Ces « illustrés américanisés » qui préoccupaient à juste titre les dessinateurs français dans l’immédiat avant/après-guerre sont paradoxalement ceux qui vont changer en profondeur l’image de la bande dessinée dans notre pays. Du début du XXe siècle et jusqu’à la fin des années 50, les publications pour la jeunesse sont regardées avec condescendance ou indifférence par les adultes. Ce sont des amusements pour les gamins. Certains les soupçonnent même d’être nuisibles à la formation morale et intellectuelle des enfants et d’alimenter ainsi la délinquance juvénile. Dans les années 60, ceux qui lisaient Le Journal de Mickey, Hurrah!, Aventures, L’Aventureux, Junior, Robinson, L’As et Hop-là! sous le Front populaire sont désormais des trentenaires. Quelques uns sont nostalgiques de ces publications et vont se mettre à les rechercher, les collectionner et les étudier. Un marché spécialisé va se constituer autour de ces illustrés dont ces amateurs diront qu’ils représentent un âge d’or. Des cercles vont se constituer. Des revues d’études et des listes de vente suivront. C’est l’amorce de la bédéphilie. Dès lors la Bande Dessinée, selon le terme qui se répand à ce moment-là, ne se limitera plus seulement à une affaire de gamins.
. Regards n°74 du 3 janvier 1947 - Magazine hebdomadaire de reportage (communiste) - Chandelle en page 12 - Le voyage au pays des merveilles (photo du stand Vaillant).
. Coq Hardi n° 37, 40, 41 et 44 – Hebdomadaire jeunesse de Marijac (exposant).
. ??? - Ils lisent France-soir-Jeudi […] => Probablement le quotidien France-soir.
. Images du monde n° 104 du 31 décembre 1946 - Magazine hebdomadaire de reportage (conservateur) - 3 demi-colonnes en page 17 + illustrations en pied - Alain Saint-Ogan, Pinchon et Liquois désignent Jen Trubert, Ancien Boxeur […]
. Franc-Tireur n° 774 du 20 décembre 1946 – Quotidien parisien d’informations (indépendant) - Entrefilet en page 2 - Enfin, un salon sérieux […]
. Havre libre n° ? du ? - Quotidien régional d’informations (progressiste) - Entrefilet en page ? - Le dessin français a (enfin ?) ses titres de noblesse.
. France Libre n°901 du 21 décembre 1946 - Quotidien national d’informations (conservateur) - Entrefilet en page 2 – À Jean Trubert le Grand Prix du Dessin français
Je verse au dossier un extrait d’un hebdomadaire catholique du Maroc (alors sous protectorat français) de février 1948 (plus d'un an avant le vote de la Loi) qui au détour d’une critique acerbe de Hardi… présente Donald évoque lui aussi les inquiétudes des dessinateurs :
Catholique, conservatrice, indépendante, progressiste, communiste, la presse de tous bords se fait le relais de la revendication protectionniste du S.D.J.E. même si la matérialité (longueur-placement) de ces articles-relais est d’évidence assez modeste. En dehors des enfants qui la lisent, des auteurs ou éditeurs qui la font et en vivent ou encore de quelques éducateurs qui la surveillent et s'en servent à dessein, la presse illustrée pour les jeunes est encore un non-sujet pour le grand public. Pénurie, rationnement, logement, situation politique et nouvelle donne internationale, les vrais sujets d'adultes ne manquent pas en 1946.
Ces « illustrés américanisés » qui préoccupaient à juste titre les dessinateurs français dans l’immédiat avant/après-guerre sont paradoxalement ceux qui vont changer en profondeur l’image de la bande dessinée dans notre pays. Du début du XXe siècle et jusqu’à la fin des années 50, les publications pour la jeunesse sont regardées avec condescendance ou indifférence par les adultes. Ce sont des amusements pour les gamins. Certains les soupçonnent même d’être nuisibles à la formation morale et intellectuelle des enfants et d’alimenter ainsi la délinquance juvénile. Dans les années 60, ceux qui lisaient Le Journal de Mickey, Hurrah!, Aventures, L’Aventureux, Junior, Robinson, L’As et Hop-là! sous le Front populaire sont désormais des trentenaires. Quelques uns sont nostalgiques de ces publications et vont se mettre à les rechercher, les collectionner et les étudier. Un marché spécialisé va se constituer autour de ces illustrés dont ces amateurs diront qu’ils représentent un âge d’or. Des cercles vont se constituer. Des revues d’études et des listes de vente suivront. C’est l’amorce de la bédéphilie. Dès lors la Bande Dessinée, selon le terme qui se répand à ce moment-là, ne se limitera plus seulement à une affaire de gamins.
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